La grippe aviaire d'homme à homme ?
Epidémie. Au Vietnam, deux soeurs mortes du virus auraient été infectées par leur frère.
Evoqué depuis quelques jours avec angoisse par les experts, le scénario catastrophe d'une «humanisation» du virus de la grippe du poulet est peut-être en train de se réaliser. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a jugé hier «possible» que deux soeurs de 23 et 30 ans mortes récemment de la grippe du poulet au Vietnam puissent avoir été contaminées par leur frère. «L'enquête n'a pu identifier de façon concluante la source de l'infection des deux soeurs, indique l'Organisation à Hanoï. Toutefois, l'OMS considère qu'une transmission limitée d'humain à humain, du frère à ses soeurs, est une explication possible.» Le Vietnam est à ce jour le plus gros foyer de l'épidémie. Dix personnes y ont été infectées et au moins six sont mortes des suites du virus. Les deux soeurs font partie d'une famille de quatre personnes contaminées dans la province de Thai Binh, au nord du pays. Le frère est mort peu avant ses deux soeurs tandis que sa veuve, contaminée, est guérie.
Foyers. Si l'hypothèse de l'humanisation du virus se confirmait, ce serait un drame. Le 27 janvier, l'OMS lançait un cri d'alarme en prévenant que, si le virus de la grippe du poulet se combinait avec celui de la grippe humaine, «la pandémie n'impliquerait pas seulement des centaines mais tuerait des millions de personnes dans le monde». Onze pays d'Asie sont pour l'instant affectés : le Vietnam, la Thaïlande, la Corée du Sud, le Japon, Taiwan, le Cambodge, l'Indonésie, le Laos, le Pakistan, Hongkong et la Chine, où cinq nouveaux foyers sont apparus ces derniers jours (soit quatorze au total). Mais, si le virus commençait à se transmettre d'humain à humain, il pourrait se répandre dans le monde entier.
«A ce jour, il n'existe pas de vaccin efficace. Des laboratoires internationaux travaillent à la mise au point d'un vaccin spécifique à cette nouvelle souche. Il faut prévoir un délai de plusieurs mois», expliquait vendredi en France la Direction générale de la santé (DGS). Quels sont les symptômes de la grippe du poulet chez l'homme ? Selon la DGS, ils «sont d'abord comparables à ceux d'une grippe banale, mais des troubles respiratoires graves apparaissent rapidement et peuvent conduire au décès. La période d'incubation est de quelques jours, et il n'existe pas de traitement curatif».
Un an après l'épidémie de Sras (une maladie transmise par un petit animal, la civette), l'Asie aurait-elle le mauvais oeil ? Selon les experts, c'est la promiscuité particulière entre l'homme et l'animal qui est en question sur ce continent. «Pour prévenir de futures épidémies dangereuses pour l'homme, les pratiques agricoles de toute la région doivent changer», expliquait hier à l'AFP un expert de l'Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO).
Eloigner. D'où les craintes croissantes des experts face aux pratiques d'abattage des volailles qui semblent faites aujourd'hui en dépit du bon sens dans certains coins de la région, risquant parfois d'accroître le risque de développement du virus.
Par Alexandra Schwartzbrod - Libération - 2 Février 2004.
L'hypothèse d'une transmission humaine de la grippe aviaire apparaît au Vietnam
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a évoqué dimanche, pour la première fois depuis le début de l'épidémie de grippe aviaire, la possibilité d'un cas de transmission d'humain à humain au Vietnam, tout en ajoutant être incapable de la prouver avec certitude.
L'organisation a confirmé que deux soeurs âgées de 23 et 30 ans décédées le 23 janvier, et testées positives au virus H5N1, ont pu contracter le virus auprès de leur frère, lui aussi décédé.
"L'enquête n'a pu identifier de façon concluante la source de l'infection des deux soeurs. Toutefois, l'OMS considère qu'une transmission limitée d'humain à humain, du frère à ses deux soeurs, est une explication possible", a indiqué le communiqué de l'OMS à Hanoï.
La grippe aviaire a infecté à ce jour dix personnes au Vietnam dont huit sont décédées.
L'agence onusienne avait tiré la sonnette d'alarme il y a quelques jours, indiquant que si le virus de la grippe aviaire rencontrait dans un même organisme un virus de grippe humaine, une pandémie mondiale pourrait se déclencher, tuant des millions de personnes.
Mais elle s'est voulue prudente dimanche. D'abord en indiquant qu'elle ne pourrait probablement jamais infirmer ou confirmer avec certitude le mode de contamination des deux soeurs. Ensuite parce que si cette transmission était avérée, elle semble trop complexe pour faire peser une menace d'envergure.
En 1997, souligne-t-elle, quand la grippe aviaire avait touché Hong Kong et provoqué la mort de sept personnes, des exemples similaires "limités" de transmission d'humain à humain avaient été identifiés mais n'avaient pas débouché sur une menace sanitaire majeure.
"Actuellement, il n'y a aucune preuve de transmission du H5N1 d'humain à humain au Vietnam ou ailleurs", assure l'OMS.
Les deux soeurs au coeur du débat font partie d'un foyer de quatre personnes contaminées dans la province de Thai Binh (nord) sur lequel les experts planchent avec perplexité.
Le frère est mort peu avant ses deux soeurs, mais son corps a été incinéré rendant impossible un diagnostic définitif. Et sa veuve, contaminée, est aujourd'hui guérie.
Concernant les deux femmes, d'abord testées plusieurs fois négatives avant de devenir positives, l'OMS explique que "l'enquête n'a pas identifié d'événement spécifique, tel qu'un contact avec un poulet malade ou une source environnementale pour expliquer ces cas".
"En même temps, de telles expositions ne peuvent être exclues non plus. L'infection au H5N1 est étendue au Vietnam et la transmission directe de poulets à humains ne peut être exclue sur la base des éléments à notre disposition", ajoute-t-elle.
Et d'admettre: "de nouvelles recherches vont être effectuées mais il est douteux que nous puissions apporter des informations plus concluantes sur la façon dont ces personnes ont été infectées".
La question de la transmission humaine n'en demeure pas moins l'obsession des experts. Dimanche, l'Organisation des nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO) a estimé que le virus a pu gagner des porcs, considérés comme un terrain idéal pour une mutation du virus.
Un avertissement, là encore, teinté de prudence. "Nous estimons que cela a pu arriver depuis longtemps, mais nous n'avons aucune preuve", a indiqué Anton Rychener, représentant de la FAO à Hanoï.
"Les cochons peuvent potentiellement porter le virus H5N1 sans en montrer les symptômes, donc nous n'avons pas pu en identifier un porteur", a-t-il ajouté.
Par Didier Lauras - Agence France Presse - 1er Février 2004.
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