L'hôpital français de Hanoi rouvre six mois après le SRAS
HANOI - L'hôpital franco-vietnamien
(HFV) de Hanoi a officiellement rouvert lundi,
six mois après avoir vu son personnel
décimé par le virus de la pneumonie
atypique, avec la ferme intention de tourner
la page sans pour autant oublier les victimes.
Cloisons déplacées, moquettes neuves, services réorganisés,
l'établissement est méconnaissable.
"Ce n'est pas une réouverture. C'est l'ouverture d'un nouvel hôpital", insiste le manager Lucien
Blanchard. "Le passé est important sur le plan du savoir, mais pour le reste, on recommence à
zéro".
Fin février 2003, Johnny Chen, un Américain d'origine chinoise porteur d'un virus dont on ignore
alors tout, est admis à l'hôpital. En quelques jours, il contamine 36 médecins et infirmières,
avant d'être évacué à Hong-Kong où il décèdera.
Pour empêcher la propagation dans Hanoi de ce qui sera appelé plus tard le Syndrome
respiratoire aigu sévère (SRAS), le personnel "s'enferme avec la bête", selon l'expression d'un
médecin français.
Un geste salué comme décisif. Le virus ne s'est pas propagé à la communauté et le Vietnam
s'est, le premier, débarrassé du fléau le 28 avril.
Mais l'hôpital porte aujourd'hui le deuil de trois médecins -dont deux français- et de deux
infirmières, soit les cinq victimes de la maladie dans le pays. Et l'établissement privé a subi de
lourdes pertes financières.
Aucun détail n'aura été négligé pour préparer sa réouverture, pas même l'avis d'un spécialiste du
Feng Shui, une discipline asiatique censée harmoniser les êtres humains et les forces de la
nature.
Le Maître chinois a ainsi déterminé que l'hôpital devait accueillir son premier patient le 11 août,
sans attendre l'ouverture officielle.
Et c'est un devin vietnamien qui a choisi Vo Van Ban, directeur général adjoint, pour brûler
l'encens pendant la cérémonie. "Il est né l'année du Dragon, qui est une des meilleures années
du calendrier traditionnel", précise Le Thuy Anh, directrice marketing du HFV.
Symbole tampon entre les cultures française et vietnamienne, une statue du médecin Louis
Pasteur, considéré comme un bienfaiteur au Vietnam, trône désormais dans le hall d'entrée.
Plus encore qu'auparavant peut-être, la sécurité du personnel est une obsession. "Un médecin
oublie parfois de se protéger, comme un maître-nageur peut oublier son gilet de sauvetage avant
d'aller chercher quelqu'un qui se noie", résume Lucien Blanchard.
"Aujourd'hui, le SRAS est quelque chose de digéré. Ca reste dans les mémoires mais il y a une
nouvelle page à écrire", estime le Dr. Yves Nicolai, directeur du HFV.
L'équilibre est ténu entre le besoin de faire peau neuve et l'exigence de mémoire. Derrière
l'hôpital, un lieu de recueillement sera construit pour permettre d'honorer la mémoire des
victimes.
"J'ai été clouée au lit pendant trois semaines. Je n'oublierai jamais. Et je pense aux victimes",
explique l'infirmière Phan Tam Thanh.
L'Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui craint une résurgence du SRAS dans la région
cet hiver, a décidé que les malades seraient tous soignés à l'hôpital Bach Mai de Hanoi. Mais le
HFV a pris ses précautions: deux chambres ont été construites pour permettre l'isolement des
patients suspects en attendant leur transfert.
"Nous n'essaierons pas d'oublier. Cinq (victimes), c'est trop, trop pour oublier. Mais nous
tenterons de ne plus laisser une chose pareille arriver", assure Anh, la directrice marketing.
Agence France Presse - 25 Août 2003.
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