Le Vietnam vu d'Hollywood: " Un film, c'est un champ de bataille "
... et réciproquement. Avec près de 400 films, la guerre du Vietnam a été l'un des sujets de prédilection des cinéastes
hollywoodiens. De la propagande à la contestation. Tour d'horizon.
Jeremy Devine, dans son ouvrage Le Vietnam en 24 images/seconde, recense près de 400 films - pour un millier ayant trait à la
Seconde Guerre mondiale - sur cette " sale guerre " perdue, tant militairement que moralement, par la " première armée du
monde ".
Au moment où la guerre du Vietnam était déjà un objet télévisuel, le cinéma, lui, restait pour le moins timide. Mais, en 1968,
alors que l'Amérique est encore baignée par les relents du maccarthysme, on a vu atterrir Les Bérets verts, film de propagande
financé par le Pentagone, avec, dans le rôle du bon soldat, considérant que " dans la jungle, le meilleur tribunal qui soit, c'est
une balle ", le cow-boy John Wayne. Ce film a été un flop puisque, alors que John Wayne allait le sourire aux lèvres et le fusil
au poing régler son compte à la " menace rouge ", les téléspectateurs découvraient sur leur petit écran l'âpreté des combats,
avec villages au napalm et gamins massacrés. Le mensonge était trop gros. Mais Hollywood ne pouvait se permettre de
soutenir les pacifistes. La solution ? Ruser : M. A. S. H. est une comédie à l'humour très noir sur la guerre... de Corée.
Il faudra attendre 1978 et Voyage au bout de l'enfer de Michael Cimino. Le film traite d'aliénation, celle d'une poignée
d'ouvriers métallurgistes que l'on suit avant, pendant et après le Vietnam. Aliénation à l'usine. Aliénation sur le champ de
bataille. Aliénation dans ces geôles viêt-congs où le jeu mortel de la roulette russe est une parabole de l'engagement américain.
Et aliénation toujours de retour au pays : la roulette russe continue de fasciner ces vétérans qui, entourés par leur épouse,
ânonnent l'hymne américain.
Apocalypse Now de Coppola commence par la chanson des Doors The End : tout un programme ! Le chasseur (Martin
Sheen), pris dans un maelström de feu et de sang où les hélicoptères chargent au son de la Chevauchée des Walkyries, finit par
ressembler à celui qu'il traque : un Marlon Brando, ancien GI se prenant pour un demi-dieu.
L'Amérique regarde enfin la vérité en face. Et Oliver Stone, qui a porté l'uniforme, livre le premier opus de sa trilogie sur le
Vietnam : Platoon. " Dans une guerre, la première victime, c'est l'innocence " : il dépeint une jeune recrue idéaliste prise dans le
feu de l'action entre un boucher (Tom Berenger) et un drogué (Willem Dafoe). Petit à petit, les Etats-Unis reconnaissent les
conséquences d'une guerre qui a broyé la vie de milliers de vétérans. Birdy, Rambo où un regard sans fard sur les séquelles de
cette sale guerre.
Mais après des années de vaches maigres, l'arrivée de Ronald Reagan va donner lieu à quelques navets révisionnistes. Par
pellicule interposée, l'Amérique prend sa revanche : Rambo II avec Stallone ou Missing in Action avec Chuck Norris. Le travail
d'introspection se poursuit néanmoins. Avec Full Metal Jacket, Stanley Kubrick constate, navré, que le conditionnement des
jeunes recrues et la confrontation aux horreurs de la guerre auront raison des plus pacifistes. Et Oliver Stone de porter sur "
l'après-Vietnam " le regard d'un légiste. Avec Né un 4 juillet, on suit Ron Kovic, jeune soldat idéaliste devenant, quelques
balles plus tard, paralytique et militant pacifiste. Et avec Entre ciel et terre, il donne voix au chapitre à ceux qu'on voyait à peine
: les Vietnamiens. En l'occurrence une Vietnamienne, Le Ly, qui refait sa vie aux Etats-Unis avec un vétéran.
Dans Good Morning Vietnam !, Robin Williams illustre à merveille l'adage selon lequel " l'humour, c'est la politesse du
désespoir ". Et avec Outrages, De Palma met enfin en lumière ce que l'Amérique voulait garder dans l'ombre : la torture, les
viols. La catharsis continue. On attend que la France fasse de même avec l'Indochine et l'Algérie...
Par Sébastien Homer - L'Humanité, le 9 Décembre 2000.
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