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Quinze cinéastes vietnamiens à Hollywood

Les Vietnamiens sont jaloux des réussites chinoises, coréennes, etc. Du coup, une quinzaine de réalisateurs vont prendre des cours en Amérique.

L'industrie vietnamienne du cinéma, dominée par les tristes productions de la propagande d'Etat et totalement dépourvue de moyens, va tenter de s'ouvrir des horizons nouveaux en envoyant mardi, pour un mois, une quinzaine de professionnels à Hollywood. Quinze réalisateurs de la crème du cinéma officiel local s'envoleront pour l'université de Californie du Sud, l'une des meilleures écoles de cinéma de la planète.

«Beaucoup de réalisateurs et cameramen vietnamiens ont étudié en Russie ou en Allemagne de l'Est. Une formation aux Etats-Unis sera vraiment une expérience nouvelle», explique Nguyen Thi Hong Ngat, une responsable du ministère de la Culture qui dirigera la délégation. Mis à part quelques rares fulgurances, le cinéma vietnamien ne produit aujourd'hui aucun film exportable. Exsangue, sans moyens techniques et après des années de «bridage» politique, il se réveille doucement de sa torpeur et regarde avec concupiscence les succès de ces voisins en Thaïlande, à Hong Kong, en Chine ou en Corée du Sud.

Début 2003, le gouvernement a autorisé les compagnies privées à produire des films indépendants et a aboli la censure du script. Seul le résultat final est désormais épluché par les gardiens de l'orthodoxie culturelle. «Les autorités prônent une ouverture totale au secteur privé et veulent arrêter de subventionner tous ces studios d'Etat aux résultats lamentables», explique un expert étranger. Le cinéma d'Etat reste fidèle aux obsessions politiques nationales, ressassant la guerre de libération, le jeune et héroïque soldat, le sacrifice collectif. Mais il s'adresse à une population dont plus de la moitié n'a pas connu la guerre.

Résultat, le film tourné pour le cinquantième anniversaire de la bataille de Dien Bien Phu, qui a coûté 800 000 dollars, n'a fait que quelques dizaines d'entrées à Hô Chi Minh-Ville (sud). L'an passé, «Gai Nhay» (Les danseuses), un drame du Vietnam moderne à base de sexe et de drogue sur fond d'épidémie de sida, financé par le privé, aurait en revanche rapporté près d'un million de dollars.

Impatience

A l'heure du départ vers la terre promise, les cinéastes vietnamiens ne cachent pas leur impatience. «Je fais partie de la poignée de cinéastes qui vont mettre les pieds dans la capitale mondiale du cinéma, chose inimaginable il y a une décennie,» se réjouit Vu Xuan Hung, metteur en scène. «Notre cinéma est très en retard. Même les équipements importés récemment sont considérés comme trop vieux en Chine», admet-il. A Hollywood, la délégation vietnamienne franchira trois décennies d'un coup. «Ils vont travailler avec du matériel numérique. Dans trois ou quatre ans, plus personne (à Hollywood) n'utilisera le film comme support principal», relève Michael DiGregorio, responsable des programmes à la Fondation Ford à Hanoï, qui finance le projet.

L'aspect politique du voyage est manifestement écarté. Plusieurs films d'Hollywood sur la guerre du Vietnam sont interdits dans le pays. Et en avril 2003, un acteur vietnamien, Don Duong, avait quitté le pays après des mois de harcèlement, suite à sa participation dans les très contestés «We Were Soldiers» et «Le Dragon Vert». Mais «l'affaire Don Duong est une question individuelle», rétorque Ngat. «Nous n'avons eu aucune difficulté pour faire ce voyage». Les regards se tournent aussi vers l'aspect marketing et commercial. «Nous tenterons notamment de savoir pourquoi les films américains sont présents partout dans le monde», précise-t-elle.

Par Didier Lauras - La Libre Belgique avec AFP - 21 Juin 2004.