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La province de Ha Tay se bat comme elle peut contre la grippe aviaire

"On a creusé des fosses de quatre mètres de profondeur et puis on a mis les poulets dans des sacs de nylon. 70% étaient encore vivants. Il fallait faire vite". Devant la ferme Charoen Pokphand, au sud de Hanoï, Tran Vanh Hieu raconte pourquoi il ne travaille plus.

C'est dans cet élevage industriel à capitaux thaïlandais que le premier cas de grippe aviaire a été officiellement détecté dans le nord du Vietnam, le 27 décembre dernier. "Le premier jour, on a eu 300 poulets morts. On les a enterrés. le deuxième jour, il y en avait 1.500. La direction a décidé d'abattre le cheptel", dit-il. En une semaine, explique cet ingénieur, 117.000 poulets ont été détruits avec l'aide de l'armée. Aujourd'hui, les 12 hangars de 120 mètres de long de l'exploitation sont vides. Nul ne peut dire si l'épidémie est partie de cette entreprise, ou si elle est apparue ailleurs sans être détectée. Mais désormais, 13 des 14 districts de la province, la deuxième du pays en terme de cheptel avec 11,5 millions de poulets, sont concernés par le virus H5N1.

"Jamais l'administration n'a dû gérer une telle crise", admet Nguyen Xuan Vui, directeur-adjoint du département vétérinaire de la province de Ha Tay. Il sait qu'il doit abattre un maximum de poulets, le gagne-pain d'une bonne partie de la population locale. Et il n'est pas long à reconnaître que ça ne marche pas fort. Pas plus de 220.000 poulets ont été abattus, affirme-t-il. Environ six fois plus ont été vendus depuis fin décembre, notamment au moment du nouvel an traditionnel. Il en reste aujourd'hui 10 millions.

Les autorités vietnamiennes ont ordonné que tous les poulets soient tués dans un rayon de 3 km autour des zones infectées. Mais "c'est très difficile de respecter cette consigne", avoue-t-il, incapable d'envoyer ses équipes parcourir les villages pour visiter tous les élevages familiaux. Un éleveur sur dix dispose d'entre 2.000 et 10.000 poulets. Les autres les comptent souvent sur les doigts des deux mains.

"Les consignes sont bien respectées par les gros éleveurs, mais pas par les petits. Ils jettent leurs poulets n'importe où", admet-il. "Parfois, ils les tuent pour les manger". Cet éparpillement est un véritable enfer, presque une garantie d'échec. "C'est notre plus grosse inquiétude". Consciente d'une situation observable un peu partout dans le pays, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculturestigmatise l'insuffisance des abattages, notamment faute d'indemnisation suffisante des éleveurs.

L'Etat a offert 5.000 dongs (30 cents) par poulet, soit environ dix fois moins que le prix de vente. Mais il sera compliqué à chacun d'aller réclamer son dû. "On doit abattre au moins 3 millions de poulets. On a préparé le budget", assure le directeur-adjoint. Mais il avoue: "c'est très difficile pour nous de contrôler les abattages, les enterrements, le commerce". Certains éleveurs s'accrochent désespéremment à leur cheptel, comme Le Thi Hang, 28 ans, qui possède 5.000 poulets sains dans un petit hangar sombre, éclairé aux néons, devant lequel de la chaux a été déversée.

Sous-traitante de Charoen Pokphand, elle lui a acheté les poussins à 3.500 dongs pièces et doit les lui revendre adultes à 25.000 dongs. Elle sait que l'entreprise a cessé ses activités mais voudrait y croire encore. "Si on n'arrive pas à les vendre, on devra les tuer", reconnait-elle.

Par Didier Lauras - Agence France Presse - 3 Février 2004.