La baie d'Halong, un site du patrimoine mondial victime de la pollution
CAT BA - Les eaux de la baie d'Halong (nord-est),
classée site du Patrimoine mondial par l'UNESCO, ont perdu la couleur
turquoise qui avait fait leur renommée, victimes d'une pollution croissante
qui menace l'éco-système et hypothèque l'avenir de la première destination
touristique du Vietnam.
Les eaux de la baie rendue mondialement célèbre par ses milliers d'îlots,
et en particulier la zone de l'île de Cat Ba qui abrite un Parc national
marin de 5.400 hectares, "sont envahies par les sédiments, les métaux
lourds et les rejets d'eaux usées qui mettent en danger la vie marine",
affirme le professeur Nguyen Chu Hoi, directeur de l'Institut d'océanologie
d'Haïphong.
"Nos équipes viennent d'effectuer une série de plongées autour de l'île de
Cat Ba, et les résultats sont très inquiétants, les récifs de coraux sont
en train de mourir et les phoques, dauphins et tortues marines qui
peuplaient la baie sont de plus en plus rares", ajoute le professeur Hoi.
Le premier responsable de cette pollution est l'exploitation du charbon
dont le développement aux abords de la baie d'Halong a entrainé en dix ans
le rejet de près de 900 millions tonnes de terres polluées, évacuées dans
la mer par les rivières qui traversent les zones minières de Vang Danh et
Uong Bi, estime le directeur de l'Institut.
De véritables "collines de boues" se sont créées dans les eaux de la baie
d'Halong et elles atteignent parfois une épaisseur de 30 mètres, selon
l'Institut.
Près de 9 millions de mètres cubes d'eaux usées fortement contaminées par
du plomb et du pétrole sont en outre rejetées chaque année par le port
pétrolier B2, situé au sud de la baie d'Halong.
"Les eaux de la baie d'Halong sont aujourd'hui chargées de sulfate de fer,
de zinc, de cuivre", ajoute le docteur Luu Van Diêu, responsable du
laboratoire de chimie marine et d'étude la pollution de l'Institut
d'Océanologie.
"Les récifs de coraux sont également victimes de la pêche à la dynamite,
pratiquée par les pêcheurs de Cat Ba et leur destruction bouleverse
l'ensemble de l'écosystème. Les poissons deviennent rares, ce qui entraine
un appauvrissement des populations de pêcheurs des îles de la baie", selon
le professeur Diêu.
"Le eaux usées de l'agglomération d'Haïphong, peuplée de 2 millions
d'habitants, ne subissent aucun traitement et sont aussi rejetées dans la
baie", ajoute le dr Diêu.
Le tourisme a lui aussi joué un rôle important dans la pollution de la
région et les centaines de bateaux, qui transportent les visiteurs venus
admirer les célèbres formations rocheuses qui émergent dans la baie,
déversent chaque jour environ deux tonnes d'huile de moteur en mer, selon
les estimations de l'institut océanographique.
Si des mesures ne sont pas prises pour enrayer la pollution de la baie
d'Halong en diminuant les rejets, l'industrie de la pêche et le tourisme en
subiront rapidement les conséquences, avertissent les experts de
l'Institut.
Sur l'île de Cat Ba, les propriétaires des dizaines d'hôtels construits au
cours des cinq dernières années, guettent chaque jour les touristes sur la
jetée du port à l'arrivée des bateaux pour tenter de remplir leurs
établissement qui tournent au ralenti.
"Nos affaires sont difficiles", indique M. Van Anh, propriétaire du plus
grand hôtel de l'île, "Nous souffrons de la crise asiatique, et la
pollution commence également à faire fuir nos clients".
"Nous avions prévu de passer quelques jours dans la région, mais l'eau est
trouble, cela n'incite pas à la baignade, et nous avons décidé d'écourter
notre séjour", indique un groupe de touristes américains qui attend le
prochain bateau pour regagner Haïphong.
AFP, le 28 Avril 1999.
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