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Baie d'Halong:sous les pains de sucre,la crise


HALONG - Dans l'immense salle de restaurant de l'hôtel Halong, quatre serveuses avachies regardent la télévision sous de vieux ventilateurs à pales en attendant d'hypothétiques clients pour le déjeuner.

La terrasse du restaurant offre une vue magique sur la célèbre baie d'Halong, mais le spectacle des milliers de pains de sucre émergeant des eaux émeraudes du Golfe du Tonkin n'attire plus autant de visiteurs.

Halong, site le plus fréquenté du Vietnam, a de plus en plus d'hôtels, et de moins en moins de touristes. La "huitième merveille du monde" n'est pas passée à travers la crise qui secoue l'industrie du tourisme du pays.

"Le taux de remplissage est tombé à 45% contre 50 % l'an dernier et 60% en 1996", déclare Nguyen Minh Hien, au département du tourisme de Halong, qui dénonce immédiatement le coupable: la crise asiatique.

A l'Halong Plaza, un hôtel rose crémeux posé par les promoteurs face à la baie et où la chambre double est facturée 160 dollars, la nuée de chasseurs en livrée qui se précipitent sur le moindre arrivant semble un peu dérisoire.

Le rabais "d'été" de 30% sur le prix de la chambre court jusqu'en décembre. Sur les 105 chambres, 20 sont occupées. La "Lan Phuong", seule jonque-hôtel de la baie, un beau bâtiment de 22 mètres, n'a pas déployé sa voilure brune ce jour-là et est restée à l'ancre près de l'embarcadère.

La clientèle de la jonque est européenne, surtout française. Cette réplique exacte des jonques de transport que le progrès a fait disparaître de la baie d'Halong depuis une dizaine d'années attire les couples en lune de miel pour des croisières de plusieurs jours.

"En ce moment ça ne marche pas très fort", confirme Bui Nghia, directeur de l'agence de tourisme Ecco qui possède la jonque, "il y a la crise asiatique", dit-il, "et la coupe du monde de football n'a pas arrangé les affaires".

Forte de son inscription en 1994 par l'UNESCO au patrimoine mondial, Halong a pourtant fait des efforts pour attirer le chaland: aménagement du front de mer à Bai Chay et de petites plages au pied des pitons calcaires, construction ou rénovation d'hôtels et "campagne de ramassage" des mendiants qui harcelaient les touristes.

Mais "la crise, avec les dévaluations, a rendu bien plus compétitifs d'autres pays touristiques de la région" comme la Thaïlande ou l'Indonésie,explique le vice-président du Comité populaire de la province de Quang Ninh, Nguyen Van Mien.

Des investisseurs de Malaisie et de Taïwan, qui devaient construire deux hôtels de luxe de 200 chambres pour plus de 100 millions de dollars au total, ont respectivement ajourné la mise en chantier et réduit la taille de leur projet.

"Nous avons dû chercher d'autres marchés", explique M. Mien, "comme les touristes chinois ou vietnamiens". La baie d'Halong a accueilli deux fois plus de Chinois depuis le début de l'année.

Les formalités ont été simplifiées: un simple laisser-passer permet aux Chinois de venir de la ville frontalière de Mon Cai jusqu'à Halong et même Hanoï depuis le début juillet. Une liaison par bateau express de Mon Cai est en projet.

Mais les Chinois, comme les Vietnamiens, laissent moins d'argent à Halong que les autres touristes et ne fréquentent pas les établissements haut de gamme.

Environ 80% des 200.000 étrangers qu'accueille Halong chaque année viennent en tours organisés, déplore le numéro deux de la province, et "ils ne peuvent pas rester ici plus longtemps que le programme prévu".

La durée moyenne du séjour est de seulement 1,5 jour, "ce qui n'est pas compatible avec un fort taux de remplissage", ajoute M. Mien. Et chaque touriste ne laisse en moyenne sur place que 40 dollars.

La crise va durer. Et les serveuses du restaurant de l'Hôtel Halong pourront continuer de regarder la télévision.

AFP, le 31 Juillet 1998.