~ Le Viêt Nam, aujourd'hui. ~
The Vietnam news

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Le général Duong Van Minh

Ephémère président du Vietnam du Sud à deux reprises, le général Duong Van Minh est mort, lundi 6 août, dans un hôpital de Pasadena, en Californie, des suites d'une chute à son domicile californien. Il était âgé de quatre-vingt-six ans.

On l'appelait "Big" Minh, le "grand" Minh, parce qu'il était d'une taille supérieure à la moyenne, et aussi pour le distinguer d'un autre officier, le général Tran Van Minh, le "petit" Minh. "Poussé par les événements" - formule de l'un de ses plus proches collaborateurs -, cet officier a joué un rôle crucial à deux reprises : en 1963, dans le renversement du régime Diem, et en 1975, lorsqu'il ordonna la reddition de Saïgon encerclée par les divisions communistes.

Duong Van Minh était un vrai sudiste - il est né le 16 février 1916 à My-Tho, dans le delta du Mékong -, avec son allure de brave homme, bon vivant, nonchalant, peu démonstratif, mais sympathique et chaleureux. Féru de musique classique, il se passionnait également pour la collection d'orchidées que le roi de Thaïlande, pendant son long exil à Bangkok, de 1964 à 1968, l'avait aidé à constituer. En fin de journée, on le retrouvait assez régulièrement sur l'un des courts de tennis du Cercle sportif saïgonnais. Ancien sous-officier des forces françaises, Duong Van Minh fait une école d'officiers à proximité de Hanoï avant d'intégrer, à l'époque de Bao Daï, la toute jeune armée de l'Etat du Vietnam. Promu commandant en 1952, il suit les cours de l'Ecole de guerre de Paris. Après les accords de Genève, déjà général de brigade, il est chargé de la lutte contre les Hoa-Hao et les Binh Xuyen, les sectes armées qui contestent l'autorité du président Ngo Dinh Diem. En 1957, il devient le premier général de division puis de corps d'armée sud-vietnamien avant de tomber en disgrâce : le régime des frères Diem et Nhu se méfie de lui. A juste titre, puisqu'en novembre 1963, en pleine crise bouddhiste, Duong Van Minh se retrouve à la tête du groupe de généraux qui, avec la complicité des Américains, renverse les deux frères.

Carte de rechange

Alors que l'insurrection communiste bat déjà son plein, "Big" Minh se voit accoler l'étiquette de "neutraliste" et, un coup d'Etat en cachant un autre, les Américains s'en débarrassent au bout de trois mois avec la complicité d'un officier ambitieux, le général Nguyen Khanh. "Big" Minh est exilé en Thaïlande, d'où il sera ramené, sous pression américaine, en 1968 - après l'offensive du Têt - comme une sorte de carte de rechange. On ne sait jamais.

Il ne se mêle guère, par tempérament, aux intrigues saïgonnaises, tout en constituant le principal point de ralliement de l'opposition. Quand, en avril 1975, arrive la débâcle et que le président Nguyen Van Thieu est contraint de se démettre et, dans la foulée, de s'enfuir à Taïwan, "Big" Minh, qui prend la relève, se résout au bout de quelques jours à ordonner la reddition de l'armée du Sud pour éviter que Saïgon ne s'embrase. Il n'y a rien d'autre à faire. En 1983, les communistes le laissèrent rejoindre ses enfants installés dans la banlieue parisienne. Il y vécut très modestement, sans jamais revenir sur l'humiliation de 1975, avant de s'exiler, il y a quelques années, aux Etats-Unis.

Par Jean Claude Pomonti - Le Monde - 9 Août 2001.