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Le général Giap évoque ses batailles victorieuses

HANOI - Cinquante ans après avoir défait l'armée française à Dien Bien Phu, le général Vo Nguyen Giap se souvient avec clarté de cet événement décisif de la guerre d'Indochine et juge que le monde a encore des leçons à tirer de la victoire vietnamienne contre les Français puis, plus tard, contre les Américains. Vêtu d'un uniforme coquille d'oeuf aux épaulettes ornées de quatre étoiles dorées, cet homme frêle de 92 ans raconte deux heures durant à des journalistes étrangers son passé de révolutionnaire, puis de commandant en chef de l'armée populaire du Vietnam. Selon lui, la victoire du Front de libération du Vietnam (Vietminh), le 7 mai 1954 à Dien Bien Phu, a été celle de la patience et de la retenue.

«Cela prouve que lorsqu'une nation est déterminée à se soulever, elle est très forte», a-t-il souligné au cours de cette entretien exceptionnel quelques jours avant l'anniversaire historique. «Nous sommes très fiers que le Vietnam ait été la première colonie capable de se soulever et de gagner son indépendance par elle-même grâce à la victoire de Dien Bien Phu.» Vo Nguyen Giap avait été désigné par le président de la République démocratique du Vietnam, Ho Chi Minh, pour commander l'armée vietminh. Il n'avait pourtant aucune expérience ou formation militaire. L'homme fera la preuve de son instinct de combattant et de son talent naturel de stratège lors de cette bataille cruciale.

Le général Giap a su prendre son temps, alors même que ses conseillers chinois lui recommandaient de frapper vite et fort. Plutôt que de jeter ses forces massivement contre le corps expéditionnaire français, il opta pour la stratégie du harcèlement méthodique et constant. Ses troupes firent monter une à une leurs pièces d'artillerie au sommet des montagnes entourant la cuvette de Dien Bien Phu et creusèrent des tranchées pour encercler l'ennemi. »Je pense que c'est la plus difficile décision que j'ai eu à prendre de toute ma vie et ma carrière militaire», a confié le général au sujet de ce choix stratégique. Le siège dura 56 jours, du 13 mars au 7 mai 1954, et s'acheva par la reddition des Français, après une résistance longue et meurtrière. Les accords de Genève qui s'ensuivirent devaient marquer formellement la fin de la présence française en Indochine.

Au lendemain de cette victoire historique, qui inspira d'autres colonies par la suite dont l'Algérie, Giap reçut un télégramme de Ho Chi Minh félicitant les forces du Vietminh pour leur courage et laissant présager d'autres grandes batailles. «Je me souviens encore d'une phrase de cette lettre: 'La victoire est vraiment grande mais ce n'est que le début'», rappelle le général. «Seul Ho Chi Minh pouvait écrire une telle phrase à ce moment-là.» Nommé ministre en 1960, Vo Nguyen Giap continua la «guerre du peuple» en organisant la lutte contre les forces américaines et leurs supplétifs sud-vietnamiens. Et comme le précédent, ce conflit s'acheva le 30 avril 1975 par la défaite des forces étrangères, quand Saïgon, la capitale du Sud-Vietnam, tomba aux mains des troupes communistes du Nord.

Le héros de Dien Bien Phu se souvient d'une rencontre en 1997 avec Robert McNamara, le secrétaire américain à la Défense pendant le conflit. «J'ai dit à McNamara que (...) les Etats-Unis avaient perdu au Vietnam parce qu'ils n'avaient pas compris le Vietnam», a-t-il dit, remerciant a posteriori le mouvement pacifiste américain. «Durant la guerre du Vietnam, le peuple américain a soutenu le Vietnam. Je remercie le peuple américain pour cela.» Refusant d'établir un parallèle entre le Vietnam d'hier et l'Irak d'aujourd'hui, il met cependant en garde Washington: «Toutes les forces qui imposeront leur volonté à d'autres nations essuieront certainement une défaite. Et toutes les nations qui luttent pour leurs intérêts légitimes et leur souveraineté remporteront sûrement la victoire.» Dans ses combats aux côtés de Ho Chi Minh, il dit avoir toujours rêvé d'un pays libéré de toute domination étrangère. «Le Vietnam était un pays asservi. Pour être libre il fallait être dans la jungle et dans le dos de notre ennemi. Le Vietnam moderne est très différent. le Vietnam est aujourd'hui un pays de liberté, d'unité, d'indépendance, de démocratie et de paix.»

Le général Giap ajoute: «Je voudrais dire que les temps ont changé. Le temps où les troupes françaises se battaient au Vietnam c'est du passé, alors nous n'oublions pas le passé mais nous regardons l'avenir».

Par Margie Mason & Tini Tran - The Associated Press - 4 Mai 2004