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François Géré : la guerre d'Indochine a préfiguré celle d'Algérie

La guerre d'Indochine est le conflit où la France a découvert la nécessité de faire de la "contre-guérilla" et acquis des méthodes qu'elle utilisera quelques années plus tard en Algérie, selon le spécialiste en stratégie François Géré."La guerre d'Indochine a eu une énorme influence sur la guerre d'Algérie car les militaires français ont essayé d'appliquer en Algérie des méthodes dont ils avaient vu le fonctionnement opératoire au Vietnam, un pays où l'humiliation subie les a conduits à penser qu'il fallait changer le style de combat", juge, dans un entretien avec l'AFP, cet agrégé et docteur en Histoire, directeur scientifique de la Fondation des Recherches Stratégiques et auteur d'un "Dictionnaire de la pensée stratégique".

Moins de dix ans après la seconde Guerre mondiale --la bataille de Diên Biên Phu a eu lieu de mars à mai 1954--, "on n'était plus dans une logique d'affrontement classique"."En Indochine, les Français ont alors commencé à comprendre ce qu'était la guerre révolutionnaire et ils ont essayé d'ébaucher une contre-guerre révolutionnaire", rappelle François Géré, ajoutant que "pour beaucoup d'officiers français, la puissance du Viêt-minh avait été de créer des organisations de jeunes, femmes, vieillards, etc".Et ils ont essayé d'appliquer la même méthode en Algérie, comprenant sur le terrain que "le FLN encadrait les populations comme l'avait fait le Viet-minh au Vietnam".

Même si ces méthodes de contre-guérilla --contrôle de foules et création de comités et organisations-- n'ont pas fonctionné en Algérie car "elles ne résolvaient pas le problème politique", elles demeurent efficaces un peu partout dans le monde, "même 50 ans plus tard et même encore aujourd'hui en Irak", car pour François Géré, "si vous laissez la population entièrement entre les mains de votre adversaire, vous aurez la population contre vous".Dans ces méthodes, "la part du renseignement est énorme", mais c'est un nouveau type de renseignement.

"Dans ce genre de guerre, la reconnaissance faite par des moyens militaires ne suffit plus car chaque individu devient potentiellement une source de renseignement".Ainsi, rappelle-t-il, les Français puis les Américains au Vietnam "se sont retrouvés dans une situation où chaque fois qu'ils bougeaient, il y avait un gamin qui les avait vus et qui passait le renseignement à une brave dame qui revenait avec son panier. Et cela terminait dans les services du renseignement du Viêt-minh".En Indochine, les Français ont alors appris que "le point fondamental est la coopération de la population. Ou elle donne du renseignement pour l'adversaire ou pour vous. Si c'est pour vous, vous avez pratiquement gagné", juge ce spécialiste, pour qui "une guerre révolutionnaire, c'est 90% de renseignement et 10% d'opérations".

Autre innovation en Indochine, l'armée française a développé les "petites unités mobiles envoyées sur les arrières de l'ennemi par parachutage. Cela a commencé en Indochine avec des moyens modestes, et cette technique fut développée en Algérie".La France, ajoute François Géré, a également développé le système des "commandos de chasse", une stratégie qui consiste à abandonner les structures militaires lourdes, comme les chars vite repérables, au profit d'"unités très mobiles qui doivent bénéficier d'un renseignement efficace et sont là pour traquer des forces adversaires". Une sorte d'ébauche des forces spéciales actuelles.

Agence France Presse - 11 Mars 2004