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L'infirmière de Dien Bien Phu témoigne enfin

Geneviève de Galard a partagé pendant deux mois le quotidien des combattants de Dien Bien Phu. Elle publie aujourd'hui ses souvenirs. Le 7 mai, dans la cour des Invalides, à Paris, avec neuf autres survivants de la bataille de Dien Bien Phu, Geneviève de Galard recevra la cravate de commandeur de la légion d'honneur des mains du président de la République. Cinquante ans après la chute du camp retranché français du Haut Tonkin indochinois, aujourd'hui Nord du Vietnam, submergé par les soldats Vietminh soutenus par tous les communistes du monde.

En pleine lumière

Retour en pleine lumière pour cette descendante de très vieille famille, convoyeuse (infirmière) de l'armée de l'Air à 22 ans, qui a partagé pendant deux mois le sort des combattants de la cuvette maudite. Car, après la « médiatisation » - terme contemporain - de sa libération, Geneviève de Galard s'était faite extrêmement discrète. Parution de Une femme à Dien Bien Phu (éditions Les Arènes), conférences publiques : c'est - heureusement pour la mémoire - moins le cas aujourd'hui. A la veille de sa venue, le 19 mars, à Mont-Saint-Aignan et Rouen, celle que la presse américaine avait surnommée « L'Ange de Dien Bien Phu » répond à Paris-Normandie.

Des centaines de lettres

« J'ai, ces dernières années, écrit dans quelques revues militaires, par exemple, pour rappeler le sacrifice des anciens de Dien Bien Phu, leur rôle dans la lutte du monde libre contre le communisme, indique Geneviève de Galard. Je communiquais surtout avec des personnes concernées par cette guerre d'Indochine. Le commandant de Saint-Marc (NDLR : Hélie Denoix de Saint-Marc, résistant déporté, officier de la légion étrangère en Indochine puis en Algérie) m'a conseillé de témoigner. Et depuis, je reçois des centaines de lettres, de personnes qui n'ont pas connu cette guerre ! Des hommes qui étaient enfants, mais se souviennent de l'annonce, devant eux, à 6 ans ou 13 ans, de la fin de Dien Bien Phu. » Qu'évoque, avant tout, Dien Bien Phu, pour l'ancienne infirmière militaire ? « La souffrance des hommes. Et l'impression d'impuissance, le matin du 31 avril 1954, après la seconde grosse attaque du Vietminh. A 5 h, avec le jour, sont arrivés les blessés, en masse. Des brancards, n'importe où. Il fallait faire les intraveineuses de calmants un genou dans la terre, l'autre sur le bord du brancard. Il fallait aussi mettre à l'abri tous ces blessés. Et tous les soigner ! J'ai eu des sentiments épouvantables : j'aurais voulu ne plus voir. Mais bien sûr, je ne devais pas quitter ces hommes. »

Un coin de ciel bleu

Geneviève de Galard, Rouennaise de 1977 à début 1980, lorsque que son époux, officier, était en poste dans la ville, veut aussi se souvenir de « la camaraderie ! La solidarité entre soldats, mes liens avec les blessés auxquels je servais autant que possible une soupe épaisse, une sorte de purée plus facile à digérer que les conserves. » Et d'évoquer « Ce jeune légionnaire allemand amputé triple, à cloche-pied sur son unique jambe : je l'ai un jour conduit pour qu'il aperçoive un coin de ciel bleu. » L'héroïne de Dien Bien Phu regrette la fin du service militaire, « qui apportait quand même un brassage des populations, des milieux sociaux. » Son regard se porte toujours vers le Vietnam. Elle contribue à l'aide à ses populations, y est retournée. Mais pas à Dien Bien Phu. Pour conserver ses souvenirs vivants, dans son cœur.

Par François Henriot - Paris Normandie - 11 Mars 2004