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Les prêteurs sur gage accusés de favoriser la délinquance

HANOI - Longtemps interdites par le régime communiste, les boutiques de prêteurs sur gage ont ouvert massivement ces dernières années dans les grandes villes vietnamiennes où les autorités les accusent de favoriser la délinquance.

Les clients de ces établissements sont généralement des toxicomanes, des amateurs de jeux d'argent ou des étudiants pauvres qui n'hésitent pas à y déposer des biens personnels ou des objets volés pour emprunter, estiment les responsables.

"Pour les délinquants, ce sont vraiement de bonnes adresses: d'importantes quantités d'objets volés sont mis en gage par des malfaiteurs avec la complicité des prêteurs sur gages qui les aident à les écouler", estime Nguyen Trong Thanh, policier du district de Thanh Tri à Hanoï.
Dans la seule capitale vietnamienne, 400 boutiques de ce genre ont été ouvertes au cours des 5 dernières années et 276 seulement ont obtenu une autorisation officielle du Service du commerce et des banques locales, selon un dernier recensement de la police.

"Depuis l'apparition des prêteurs sur gage, il y a de plus en plus de vols et d'affaires criminelles, en particulier dans les établissements scolaires et universitaires du pays", ajoute M. Thanh.
La police a récemment démantelé des bandes de joueurs et de toxicomanes qui avaient volé plusieurs dizaines de motocyclettes, de vélos et d'objets personnels dans des universités, des écoles et des quartiers résidentiels à Hanoï et les avaient revendus avec la complicité des propriétaires de ces boutiques.

Des dizaines de milliers de boutiques de prêteurs sur gages ont également ouvert dans d'autres métropoles du centre et du sud du Vietnam, dont au moins 2.000 à Ho Chi Minh-ville, l'ex-Saïgon, peuplée de 5,5 millions d'habitants, selon une estimation policière.
"Ces boutiques ont accru la délinquance et la criminalité déjà en forte croissance depuis l'ouverture économique du pays il y a une décennie car elles aident les jeunes gens à vendre des biens volés en échappant au contrôle de la police", explique pour sa part Truong Van Khoi de la brigade anti-criminelle.

Ces boutiques existaient déjà à l'époque coloniale et elles attiraient une clientèle des gens très pauvres. Elles avaient été fermées après le départ des troupes françaises du nord-Vietnam en 1954 par le régime communiste qui cherchait à liquider cette forme "d'exploitation de l'homme par l'homme".

Aujourd'hui, même des gens fortunés ont recours à leurs services et y déposent des biens de grande valeur, parfois pour se lancer dans des affaires illégales ou dans des fraudes.
"Ce qui est inquiétant, c'est que la naissance de ces établissements est proportionnelle à la croissance de la toxicomanie dans les universités et les écoles vietnamiennes aux abords desquelles elles s'installent", ajoute M. Khoi.
Selon lui, "des prêteurs sur gages avancent de l'argent, avec un taux d'intérêt très élevé, aux étudiants et aux écoliers toxicomanes pour les pousser ensuite à voler des biens dans leur famille ou leur école, ce qui débouche parfois sur des affaires de meurtre ou de banditisme".

La nature des objets mis en gage est variée, qu'ils soient légaux ou illégaux. Ils vont d'une paire de chaussures, d'un vélo, d'une montre, de bijoux, d'une motocyclette à des titres de propriété d'immeubles dont la valeur peut atteindre des milliers de dollars.
Le montant des sommes prêtées dépend de la valeur des objets mis en gage par des clients qui paient parfois un taux d'intérêt de 7,8% par jour et leur endettement s'accroit très rapidement.
Très embarassée avec le "boom" de ce type de service, la direction de la police municipale de Hanoï a lancé au début du mois une directive destinée à contrôler plus strictement ces boutiques et à restreindre leurs activités.

"Il y a trop de boutiques, et qui en a vraiment besoin?", s'interroge Mme Pham Thuy Hoa, professeur d'université à Hanoï, en réclamant des poursuites judiciaires à l'encontre des prêteurs sur gages qui "cherchent surtout à prêter la main aux criminels pour gagner de l'argent sale".

AFP, le 25 Avril 1999.