Mort du cardinal François-Xavier Nguyen Van Thuan
Le cardinal François-Xavier Nguyen Van Thuan, ancien archevêque de Saïgon,
président du conseil pontifical Justice et paix, est mort lundi 16 septembre à
Rome, à l'âge de 74 ans, des suites d'un cancer.
Le cardinal vietnamien était à la Curie l'homme le plus proche de Jean Paul II
par le souvenir du totalitarisme communiste. Mais, à la différence du pape
polonais, il a connu la prison, et c'est contre son gré, parce que les autorités
de Hanoï l'avaient jugé indésirable dans son pays, qu'il avait été appelé à Rome,
en 1991, au conseil Justice et paix.
Né le 17 avril 1928 à Phu Cam, près de Hué, François-Xavier Nguyen Van Thuan
est le neveu du premier président de la République du Sud-Vietnam.
Après des études au séminaire de sa ville, il est
ordonné prêtre en 1953. Il poursuit à Rome ses
études de droit canon.
Long martyre
Evêque, dès l'âge de 39 ans, du diocèse côtier de Nha
Trang, c'est en 1975, une semaine avant que Saïgon ne
tombe entre les mains des forces communistes, que le
pape Paul VI le nomme archevêque du diocèse de la
capitale du Sud, qui allait devenir Ho Chi Minh-Ville.
Nomination bien sûr refusée par le nouveau pouvoir,
qui le convoque le 15 août suivant, et l'exile en
résidence surveillée dans son diocèse d'origine à Cay
Vong.
C'est le début d'un long martyre de treize ans. En 1976,
le futur cardinal romain est interné dans le cachot de la
prison de Phu Khan, puis dans le camp de rééducation
de Vinh Phu. Puis de nouveau en résidence surveillée à
Giang Xian, et encore enfermé dans les locaux de la
sécurité de Hanoï. En 1988 prend fin son internement,
mais il n'est pas pour autant autorisé à rejoindre son
siège de Ho Chi Minh-Ville et il est assigné à résidence
à Hanoï.
En septembre 1991, lors d'un séjour à Rome, il
apprend qu'il est cette fois interdit de séjour dans son
pays. Il va s'en suivre un long bras de fer entre le
Vatican et Hanoï à propos de l'administration du siège
de l'ancienne Saïgon. Le Vatican veut nommer, à titre
provisoire, un administrateur apostolique, ce qui est
interprété par les autorités communistes comme un
stratagème visant à protéger l'éventuel retour de
Mgr Thuan.
En 1994, le Vatican cède et renonce à le maintenir au
poste d'archevêque d'Ho Chi Minh-Ville. Il nomme
Mgr Thuan à la vice-présidence du conseil pontifical
Justice et paix, dont il deviendra le président en juin
1998, succédant au cardinal français Roger
Etchegaray, appelé à d'autres fonctions.
C'est lui qui, en 2000, l'année du Jubilé, prêche à Rome
les exercices spirituels de carême pour le pape et la
Curie. Il est créé cardinal en 2001. Son livre Témoins
d'espérance (éd. Nouvelle Cité) raconte le parcours
spirituel hors du commun d'un homme de foi qui aura su
résister à l'épreuve du communisme dans son pays pour
porter son regard, à la tête du conseil pontifical Justice
et paix, sur toutes les situations d'injustice et de guerre
à travers le monde.
Sa disparition, après celle du cardinal brésilien Moreira
Neves (Le Monde du 12 septembre), amène à 116 le
nombre des cardinaux électeurs du pape en cas
de conclave.
Par Henri Tincq - Le Monde - 19 Septembre 2002.
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