Le Vietnam attaché à la francophonie malgré la marginalisation du français
Le Vietnam, représenté pour la première fois à
un sommet de la francophonie à l'étranger par
son président de la République, réaffirme son
attachement à la communauté francophone, en
particulier à ses aspects économiques, même si
l'usage de la langue française reste marginal
dans le pays.
"Ce sera la première fois qu'un chef de l'Etat
vietnamien assistera à un sommet de la
francophonie à l'étranger lors duquel il fera un
discours" devant les chefs d'Etat ou de
gouvernement de l'Organisation internationale
de la francophonie (OIF), a noté un responsable
du Bureau présidentiel, commentant la
participation du président Tran Duc Luong au
9ème Sommet de la Francophonie, prévu du 18
au 20 octobre à Beyrouth.
M. Luong, réélu en août dernier à son poste par
l'Assemblée nationale vietnamienne, dirigera
une délégation d'une centaine de membres dont
une trentaine d'hommes d'affaires et plusieurs
responsables du ministère des Affaires
étrangères et de celui de la Culture et de
l'Information.
La semaine dernière, le ministre libanais de la
Culture, porte-parole du sommet, Ghassan
Salamé, s'était félicité de la participation
annoncée, et sans précédent, du président Tran
Duc Luong.
La participation du président Luong au sommet
de Beyrouth "favorisera les liens d'amitié
traditionnels, l'impulsion et la diversification des
relations de coopération multiforme, notamment
le commerce et les investissements entre le
Vietnam et les pays de la communauté
francophone", a estimé de son côté Tran Tuan
Anh, ancien ambassadeur du Vietnam au
Canada.
"Nous avons de bonnes perspectives et des
conditions très favorables pour renforcer nos
liens bilatéraux et les lier à nos relations
économiques internationales", a dit ce diplomate
de carrière.
Les hommes d'affaires vietnamiens profiteront
de leur présence à Beyrouth pour rencontrer les
hommes d'affaires des pays participant à ce
sommet, a-t-il ajouté.
Lors des sommets francophones précédents, le
Vietnam avait été représenté par l'ancienne
vice-présidente de la République, Mme Nguyen
Thi Binh, une dirigeante francophone du pays et
l'un des signataires des accords de Paris ayant
mis fin en 1973 à l'intervention militaire
américaine au Vietnam.
Pour cette ancienne colonie française qui
compterait désormais moins d'un demi-million de
francophones sur une population de 80 millions
d'habitants, l'engagement au sein de la
francophonie est aujourd'hui avant tout un
attachement à la "francophonie économique"
plutôt que le signe d'un souhait de maintenir la
langue française au premier plan dans le pays,
notent cependant les diplomates et anlystes
dans la capitale vietnamienne.
"Pour les dirigeants vietamiens, la francophonie
linguistique ne semble pas une priorité mais les
liens avec les pays francophones, par le biais de
la +francophonie économique+ offrent une
alternative aux relations commerciales avec les
pays du monde anglophone", estime un
diplomate d'un pays occidental francophone
sous le couvert de l'anonymat.
Le Vietnam, qui avait accueilli le 7ème Sommet
de la Francophonie en novembre 1997 à Hanoï,
"souhaite développer ses relations commerciales
avec les pays francophones et y trouver
partenaires commerciaux et débouchés
d'exportation dans la perspective de son
adhésion future à l'Organisation mondiale du
commerce (OMC)", ajoute la même source.
"Hanoï veut ainsi maintenir un contrepoids à ses
relations économiques croissantes avec les
Etats-Unis encouragées par la signature l'année
dernière d'un accord commercial bilatéral avec
son ancien ennemi", a-t-elle conclu.
Agence France Presse - 15 Octobre 2002.
Second souffle modeste pour l'usage du français au Vietnam
Face à l'usage croissant de l'anglais par les
jeunes Vietnamiens, la mise en place de
centaines de classes bilingues
franco-vietnamiennes a donné un second souffle
modeste à l'usage du français au Vietnam.
Grâce notamment à la coopération avec la
France, un programme d'enseignement intensif
du français a été mis en place depuis une
décennie avec l'assistance de l'Agence française
de développement (AFD) et de l'Agence
universitaire de la francophonie (AUF).
Près de 18.000 et étudiants vietnamiens
fréquentent aujourd'hui plus de 680 classes
bilingues -- où une partie de l'enseignement se
fait en français -- dans des matières regroupant
l'enseignement du droit, de la gestion, de la
médecine, de l'éducation et de la formation, de
la culture et de la communication.
"Mais il est difficile de trouver un emploi à la
sortie de l'école dans un environnement
francophone encore restreint comme au
Vietnam. Je dois donc apprendre également
l'anglais car notre pays en voie de transition
vers une économie de marché a besoin d'élargir
sa coopération économique avec l'extérieur",
affirme la jeune étudiante Tran Anh Phuong, 20
ans.
Phuong apprend le français depuis deux ans à
l'Institut des Relations internationales du
ministère des Affaires étrangères et estime cet
enseignement "indispensable pour ceux qui se
destinent à la diplomatie où à des carrières
culturelles".
Le français était largement répandu dans les
milieux intellectuels et les riches familles à
l'époque de la colonisation française et son
enseignement était alors obligatoire dans les
écoles des grandes villes du pays.
De nombreux francophones âgés de 60 ans ou
plus et dont le nombre se réduit de plus en plus,
expriment encore aujourd'hui leur nostalgie face
à la mondialisation et à la progression de la
lanque anglaise.
"J'ai appris le français dans ma jeunesse par
amour de la culture et de la civilisation
françaises en écoutant des chansons et lisant
des romans que je n'ai jamais oubliées jusqu'à
ce jour", raconte avec fierté le professeur Le Duc
Hinh de l'hôpital de Bach Mai, 68 ans, dont un
petit-fils suit depuis un an une formation
informatique en France.
Selon ce professeur, "au Vietnam, les jeunes
gens devraient obligatoirement apprendre le
français s'ils veulent travailler surtout dans les
domaines comme la santé, le droit, la culture et
la gestion économique", ajoute-t-il.
L'enseignement du français avait connu un coup
d'arrêt pendant des décennies de la guerre du
Vietnam durant laquelle la majorité des jeunes
gens apprenaient le russe, langue de l'Union
soviétique, alors principal allié militaire et
idéologique de Hanoï.
L'apprentissage du russe offrait aux jeunes
Vietnamiens la clé des études en Union
soviétique et le français n'a retrouvé une
certaine faveur qu'après l'effondrement de
l'URSS en 1991.
Mme Nguyen Thi Thu Mai, 34 ans, professeur de
français à l'école secondaire de Phan Dinh Phung
à Hanoï, a choisi pour son fils une formation en
anglais, la première langue étrangère au
Vietnam qui, selon elle, "est celle des hommes
d'affaires de demain".
"Beaucoup de mes élèves aiment le français
grâce aux échanges culturels et aux
connaissances transmises par la vieille
génération, mais ils s'inquiètent des possibiltés
de trouver un débouché dans leur vie
professionnelle", explique cette enseignante.
Le nombre des Vietnamiens qui parlent français
se situerait aujourd'hui dans une fourchette de
300.000 à 500.000 personnes sur 80 millions
d'habitants, selon les statistiques
vietnamiennes.
Agence France Presse - 15 Octobre 2002.
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