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Les enfants de Hanoi retournent à l'impitoyable école de la pauvreté

Le Vietnam tente d'endiguer la pauvreté persistante des régions du Nord. Signe visible des inégalités qui se creusent dans le pays : en trois ans, le nombre d'enfants des rues a triplé dans la capitale.

HANOI - Hoai a 13 ans, mais il en paraît neuf. Il est tout aussi difficile d'imaginer que les deux petits frères de Boa ont sept et neuf ans. Ils ont la taille d'enfants de quatre et six ans. La malnutrition, commente laconiquement cette enseignante d'une « classe » composée exclusivement d'enfants de rue. Ils sont une petite dizaine entassés dans un local sans porte. Il est 21 heures, l'heure où ces enfants arrêtent leur travail avant de trouver un abri pour dormir. C'est l'heure où Boa rêve. D'apprendre à lire et à écrire comme les autres enfants. De retrouver ses parents qui habitent la campagne et qui l'ont envoyée « en ville » avec ses petits frères pour ramener de l'argent. J'aime mes parents, dit d'emblée Boa comme pour les défendre. Le mois prochain, peut-être, nous irons les voir. Si personne entre-temps n'a volé ses pauvres économies.

Avec son bonnet de père Noël sur la tête, Hoai assure. Du moins en apparence. Il est cireur de chaussures à Hanoi. Ses parents sont « récupérateurs » d'ordures, explique-t-il. Hoai arrive parfois à gagner 30.000 dongs par jour (environ deux dollars). Lui, aussi il rêve. Devenir professeur. Et d'ajouter aussitôt sur un ton fataliste : Mais je crois que j'ai pas beaucoup de chance dans la vie. Hoai apprend à lire, une heure par jour dans une classe en plein air, dans le zoo d'Hanoi. Il apprend aussi l'anglais et le français, deux langues indispendables pour pouvoir s'adresser aux touristes. Le plus dur, c'est de les convaincre de continuer, soupire l'enseignante. Elle fait partie avec sept autres formateurs de l'équipe d'aide aux enfants de rues à Hanoi. On tente aussi de retrouver leurs parents et, dans la mesure du possible, de ramener ceux qui viennent de la campagne chez eux. On explique alors aux parents la réalité d'une ville moderne, les dangers qui guettent leurs enfants laissés à eux-mêmes. L'exode des enfants venus des zones rurales est relativement récent. Il est lié aux profondes transformations et au relatif enrichissement de la capitale au cours de ces cinq dernières années mais également aux mouvements de populations qui ont cessé de faire l'objet d'un contrôle rigoureux de la part des autorités. A Hanoi, les cohortes de vélos ont été remplacées par celles des motos. Les commerces, y compris de luxe, se sont multipliés. Autant de signaux qui ont nourri beaucoup d'espoirs chez les populations rurales régulièrement confrontées aux disettes. Alors qu'ils étaient quasi inexistants en 1996, on estime aujourd'hui à 7.000 les enfants des rues à Hanoi.

Le marché des motos

L'ouverture à l'économie de marché a engendré de profondes inégalités sociales, constate Thu Trân Minh, coordinatrice de l'ONG Plan Vietnam. Mais Hanoi, ce n'est pas encore Bangkok et le Vietnam n'est pas la Russie. Le Vietnam arrive à bien gérer les dégâts sociaux provoqués par les boulersements économiques, estime Mark Peak, directeur de Plan Vietnam. Et la crise économique qu'a connue l'Asie en 1998 n'a finalement eu qu'un impact limité sur le pays. Le plan de lutte contre la pauvreté, ciblé sur les minorités ethniques et les femmes, est vraiment intéressant. Si la malnutrition est en recul partout, la pauvreté persiste dans les régions rurales au nord de Hanoi et dans le centre du pays.

A Hanoi, les communautés locales se mobilisent pour tenter d'assurer un avenir aux enfants perdus des campagnes avoisinantes. Dans la commune de Phuc Tan, un atelier de réparation de motos assure la formation professionnelle d'adolescents dont la plupart sont des enfants parrainés par Plan International. Dans une ville où circulent déjà plus de trois millions de motos (pour une population estimée à près de 4,5 millions d'habitants ), réparer les motos, c'est vraiment un métier d'avenir Les gens achètent surtout des motos chinoises, qui sont des copies des marques japonaises. Elles coûtent trois fois moins cher... mais cassent deux fois plus vite. Ce qui est une aubaine pour nous, explique le moniteur avec un large sourire. Un bon réparateur peut se faire 50 dollars par mois. Une petite fortune quand on sait que un des seuls métiers accessibles aux plus pauvres, conducteur de cyclo-pousse, rapporte en moyenne 15.000 dongs par jour (un dollar) et que le salaire moyen d'un Vietnamien tourne autour de 30 dollars par mois.

Par Martine Vandemeulebroucke - Le Soir, le 2 Janvier 2002.