La formation, une priorité devenue payante
PHUC HOA - La salle d'accouchement dans le dispensaire médical se résume à une table, une bassine, une
armoire. Le reste du matériel médical semble dater des années 50. Une centaine d'enfants
naissent pourtant ici chaque année.
Les femmes ne viennent que pour accoucher, explique le responsable du centre médical. Et s'il y a
un problème, une césarienne à faire ? Les bras font un signe d'impuissance. Les cas sont
heureusement rares; ce qui est plus fréquent, en revanche, c'est l'état d'anémie des femmes
enceintes qui viennent au centre médical. La malnutrition encore.
Nous sommes à une soixantaine de kilomètres d'Hanoi, dans le district de Tan Yen. Six mille
habitants, une région essentiellement forestière où l'on cultive le riz et les lychees. Environ 38 %
de la population vivent avec un dollar par jour. Les gens dépendent totalement de la récolte,
donc du temps, résume le chef du village. La région est fréquemment touchée par la sécheresse
ou les inondations.
C'est ici que Plan international veut créer une clinique et une école primaire et maternelle. Un
budget de 140.000 dollars est prévu pour cette commune. Une somme considérable si on la
compare au budget dont disposent les pouvoirs publics locaux. Mais les réalisations
correspondent-elles aux désirs des habitants ? Dans les onze villages qui composent cette
commune, nous avons organisé des réunions de discussions avec les habitants, explique Hoan,
coordinateur local.
Ce pays a besoin de gens formés pour le développement
Trois groupes ont été constitués : de femmes, d'enfants, d'hommes. Chaque groupe a défini ses
priorités et celles des femmes ne sont pas celles des hommes, conclut Hoan. Les hommes
demandaient la construction d'une petite centrale électrique, un meilleur système d'irrigation
pour les récoltes; les femmes pointaient les problèmes d'accès aux soins de santé, d'éducation.
Il a fallu faire des compromis entre les groupes mais Plan international focalise son intervention
prioritairement vers les besoins des enfants et l'égalité des chances entre hommes et femmes,
rappelle Thu, coordinatrice de Plan Vietnam. Certains objecteront sans doute que des travaux
d'irrigation pour les rizières peuvent apparaître plus indispensables à la collectivité. L'aide aux
activités économiques n'est pas oubliée, répond Thu.
L'enseignement apparaît davantage comme une priorité, surtout depuis que celui-ci est devenu
payant. Le système de subsidiation de l'enseignement a pris fin en 1986, et, si l'école primaire
reste en principe gratuite, le prix des fournitures scolaires est une charge énorme pour les
familles pauvres. Autre problème : le Vietnam impose désormais le passage par l'école maternelle
comme condition d'accès à l'enseignement primaire, mais cette école-là est payante, et
beaucoup de communes ne disposent pas de l'infrastructure minimale.
Ce pays a besoin de gens formés pour le développement, tranche Thu. Une opinion qui apparaît
largement répandue dans la population.
Comparé aux autres pays en développement, le Vietnam peut afficher des résultats très
honorables en matière d'éducation. Le taux d'alphabétisation atteint les 90 % de la population, et
30 à 40 % des jeunes fréquentent l'école secondaire. Mais l'enseignement reste basé sur des
méthodes très traditionnelles, avec du matériel souvent obsolète. Plan international s'est donné
pour priorité d'aider à changer les méthodes éducatives, et l'école maternelle en est le tremplin
idéal. Stimuler la créativité des enfants n'est pas un luxe, estiment les travailleurs vietnamiens de
l'ONG. L'avenir économique de notre pays a besoin de gens créatifs et imaginatifs, et nous
pourrons gagner cette bataille. Et quand les Vietnamiens veulent gagner...·
Par Martine Vandemeulebroucke - Le Soir, le 2 Janvier 2002.
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