Un mythe fondateur, au Vietnam comme à l'étranger
HANOI - La bataille de Dien Bien Phu s'est imposée dans l'histoire vietnamienne comme la clé de l'émergence du pays en tant que nation indépendante, mais son impact a largement débordé ses frontières pour insuffler l'espoir à l'ensemble des résistants du monde colonisé.
Sur le plan intérieur, la victoire du Vietminh de Ho Chi Minh en 1954 constitue l'ultime étape avant l'indépendance du Vietnam. "Dien Bien Phu, c'est la fin de la colonisation car juste après commencent les négociations de Genève", rappelle Dao Hung, membre de l'Association vietnamienne d'histoire.
Le 21 juillet 1954, fort de son succès militaire, Ho obtient la paix à la conférence de Genève en échange de la division du pays au niveau du 17ème parallèle. Le nord passe sous la souveraineté de la République démocratique du Vietnam (RDV), le sud regroupe les forces françaises et les Vietnamiens hostiles aux communistes.
Un accord impensable sans la victoire militaire qui précède: "sur le plan politique, c'est le grand tournant", répête Dao Hung.
Cinquante ans après, le régime communiste vietnamien célèbre une victoire qui, selon plusieurs experts étrangers, demeure avec la prise de Saïgon en 1975 l'un des piliers de sa légitimité historique.
"Dien Bien Phu, c'est la bataille de Valmy des Vietnamiens. C'est là que tout commence pour eux", admet un diplomate français, évoquant la victoire des volontaires français contre l'armée prussienne, le 20 septembre 1792, prélude à l'adoption par la Convention d'une nouvelle Constitution à la France.
De mémoire de militaire, la bataille suscite toujours de vives émotions. "J'ai des images qui reviennent de temps en temps. Notamment celle de la reddition des troupes françaises", explique le Colonel Tran Dong, 75 ans, aujourd'hui à la retraite.
"C'était l'après-midi du 7 mai. Nous venions d'attaquer une position proche du QG de de Castries (chef de la garnison française de Dien Bien Phu, ndlr). Une colonne de soldats s'est rendue, en brandissant des drapeaux blancs. Il y avait de tout, des Français, des Algériens, des Vietnamiens", raconte-t-il, médaille en bandoulière sur un costume gris.
Mais Dien Bien Phu a marqué son époque bien au-delà du Vietnam. Pour la France, c'est l'empire colonial tout entier qui vacille. Bientôt, le gouvernement va devoir s'occuper de la Tunisie et du Maroc, avant le début du bourbier algérien. L'armée coloniale, meurtrie et affaiblie, ne suffira plus à colmater les brèches et devra être renforcée par le contingent.
Et dans le reste du monde colonisé, la victoire vietnamienne résonne comme un espoir. "Dien Bien Phu a été non seulement une victoire pour le peuple vietnamien mais pour beaucoup d'autres pays dans le monde", rappelle fièrement le général Vo Nguyen Giap, le grand vainqueur de la bataille. "Elle a prouvé qu'une nation suffisament déterminée pouvait vaincre contre un agresseur étranger quelle que soit sa puissance".
La bataille a fait date et rejoint, selon l'expert, la victoire japonaise à Tsushima contre les Russes en 1905, première victoire d'une armée asiatique sur des forces occidentales, et brèche fatale dans la théorie d'une supériorité définitive de l'Occident sur l'Orient.
Agence France Presse - 6 Mai 2004.
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