Les fonctionnaires amateurs de prostituées vont être dénoncés au Vietnam
Le Vietnam n'a jamais été pris au sérieux
lorsqu'il prétendait éradiquer la prostitution,
aussi interdite qu'omniprésente, mais un
décret-loi va peut-être changer les choses: les
fonctionnaires adeptes des plaisirs tarifés seront
dénoncés.
Selon un décret-loi signé par le président Tran
Duc Luong et entré en vigueur le 1er juillet, le
nom des fonctionnaires et militaires pris en
flagrant délit avec des prostituées devra être
livré à leur chef de service.
La cible est finement choisie. Dans un pays qui
compte 1,3 million de fonctionnaires, soit environ
un tiers de la population active, les serviteurs de
l'Etat représentent 60% de la clientèle des
prostituées.
"Il s'agit du premier décret officiel dans ce
dossier, et il vise avant tout ceux qui s'offrent un
service sexuel alors qu'ils travaillent pour le
secteur public", explique Vu Ngoc Thuy, du
Comité national pour les progrès des femmes.
Les contrevenants seront aussi soumis à de
fortes amendes et privés pendant une période
donnée de toute promotion. Les récidivistes
risquent même une suspension.
Le vote du décret a provoqué une vive
controverse dans le pays, en particulier sur
l'identification des coupables et le montant des
amendes, entre 15 et 350 dollars. Les débats
avaient aussi opposé la légitimité du combat
contre ce "fléau social" et la protection de la
dignité des fonctionnaires, ainsi que la
sauvegarde de leur équilibre conjugal.
A titre expérimental, la province de Can Tho
(sud) a été la première à communiquer aux
services concernés les noms de vingt "cadres de
l'Etat" qui fréquentaient des maisons de passe.
La liste avait même été publiée dans la presse.
Après de longues discussions, les députés ont
finalement décidé de communiquer les noms des
coupables à leurs chefs de service, à charge
pour ces derniers d'agir de façon responsable.
Toujours enclin, par tradition communiste, à la
planification, le gouvernement s'efforcera de
mettre un terme au problème d'ici 2005.
Mais l'objectif pourrait être difficile à atteindre.
"Il est très difficile de connaître les noms des
fonctionnaires visés car ils donnent souvent de
fausses coordonnées", note Nguyen Thi Hue, au
ministère du Travail et des Affaires sociales,
jugeant "très insuffisant" le budget annuel
d'environ 1,5 million de dollars consacré par le
gouvernement à cette croisade.
Avant le 1er juillet, les fonctionnaires pris sur le
vif ne devaient officiellement payer qu'une faible
amende accompagnée d'un "avertissement",
destiné à "sauvegarder les traditions culturelles
et maintenir la paix sociale".
La fréquentation des bordels, "salons de
coiffure" et autres établissements de massage
s'est largement développée, y compris dans la
jadis pudique capitale Hanoi. Le pays tout entier
compterait au moins 185.000 prostituées, selon
les chiffres officiels.
Se payer quelques instants de plaisir est
éminemment culturel. Les fonctionnaires se les
offrent pour saluer un bon contrat, ou même
pour célébrer les grandes fêtes nationales que
le Parti communiste organise régulièrement.
"On s'est doté de nombreux textes
anti-prostitution. Ce qui est le plus important,
c'est leur application", relève Nguyen Ngoc Lan,
gérante d'un mini-hôtel à Hanoi, en doutant de
l'efficacité de cette nouvelle législation.
"Les bénéfices apportés par le commerce du
sexe sont trop importants", ajoute-t-elle. Et "on
ne peut régler les questions personnelles par
des mesures administratives".
Par Le Thang Long - Agence France Presse - 13 Juillet 2003.
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