Folie boursière au Vietnam
Tous les marchés boursiers de la planète
ne sont pas déprimés.
A contre-courant de
la tendance générale, les valeurs cotées sur la toute nouvelle Bourse du
Vietnam, qui compte près d'un an d'existence, ont progressé de 300 %. En
un temps où les investisseurs occidentaux subissent de graves pertes,
il est curieux de voir ce pays communiste pris par une fièvre boursière.
Le
journal Tuoi Tre
(La Jeunesse) a ainsi rapporté qu'un détenteur de 6 000 titres de deux
sociétés cotée à la Bourse de Ho Chi Minh-Ville, tirait un gain de 9 millions
de dongs vietnamiens (650 euros) par jour. Dans un pays où les ouvriers
gagnent en moyenne 35 euros par mois, de tels profits ont déclenché,
sans surprise,
une course aux actions. Soucieux de s'enrichir rapidement,
les investisseurs sont prêts
à acheter n'importe quels titres disponibles sur le marché.
Ceux qui les détiennent ne veulent rien lâcher. Rapports financiers,
rapports d'activité
des sociétés cotées, résultats, perspectives, carnets
de commandes, conjoncture mondiale... plus rien ne
compte. Seul le rapport offre-demande détermine le
cours des titres
sur la Bourse vietnamienne. Paradoxalement, cette entrée tonitruante dans le
capitalisme fait redécouvrir aux Vietnamiens - qui se rendent au marché boursier à
minuit pour faire
la queue - l'expérience lointaine du temps du rationnement. Certaines sociétés de
courtage
se concentrent sur la chasse
aux actions pour satisfaire
une clientèle difficile à assouvir. La commission nationale de la Bourse a dû baisser
le plafond imposé sur la hausse maximale en séance du prix d'un titre
de 5 %, initialement à 2 %. Même s'ils apprécient cette mesure
de précaution, les analystes jugent qu'elle n'est pas suffisante pour calmer la
spéculation.
Ils considèrent nécessaire
une augmentation d'offres pour guérir la folie des investisseurs qui se régalent des
premiers fruits de l'économie de marché. Il faut dire que le nombre
de titres cotés au Vietnam reste faible. Depuis son ouverture, en juillet 2000, la
Bourse de Ho Chi Minh-Ville n'a accueilli que cinq sociétés au total. De plus,
le volume d'échanges reste sous le niveau de 1,5 million d'euros, alors que les
Vietnamiens détiennent au moins 2 milliards d'euros dans leurs bas de laine, selon
l'estimation des spécialistes. L'enthousiasme pour la Bourse pourrait toutefois vite
retomber. Le risque d'un krach boursier plane sur le Vietnam, prédisent certains
analystes.
"Peut-être serait-ce
le prix à payer pour apprendre le fonctionnement du capitalisme", qui est
officiellement refusé
par les autorités vietnamiennes, commente un économiste vietnamien.
Par Nga Dang Hong - Le Monde, le 18 Juin 2001.
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