Les Vietnamiens commencent eux aussi à se serrer la ceinture
Les retombées au Vietnam de la tourmente monétaire et
financière en Asie du sud-est poussent beaucoup de Vietnamiens à commencer à
se serrer la ceinture, bien que ce pays ne soit pas dans l'oeil du cyclone.
Ainsi, après une décennie d'amélioration constante de leur niveau de vie
--du moins dans les villes-- à laquelle tout le monde s'était rapidement
habitué, les Vietnamiens ont abordé la nouvelle année avec anxiété, même
s'ils ne se sont pas mis à vendre leurs lingots ou bijoux en or.
A l'approche du Têt, la grande fête de l'année qui donne traditionnellement
lieu à une frénésie d'achats de vêtements, téléviseurs ou mets fins et
boissons, la morosité est patente.
"Si on dépense beaucoup pour le Têt, on n'aura plus d'argent les mois
suivants. Je vais dépenser deux fois moins pour l'arrivée de l'année du
Tigre", explique une marchande de thé de Hanoï.
Sur le marché de Hang Da, un fonctionnaire confirme: "pour les dernières
fêtes du Têt, j'avais acheté quelques bouteilles de whisky ou de cognac à
consommer ou offrir, cette fois je ne vais faire que des achats vraiment
nécessaires".
Dès son entrée en fonction, le nouveau chef du Parti communiste Lê Kha Phiêu
a donné le ton en prévenant que l'année allait être dure et en appelant
"chaque habitant à limiter les besoins non urgents, l'achat de produits de
luxe, diminuer les réceptions".
"La crise économique et financière en Asie du sud-est a déjà et aura des
répercussions sur l'économie de notre pays", a-t-il averti. Le spectre de la
tourmente rôde autour du Vietnam, pays qui a été jusqu'ici protégé par
l'absence de bourse et la non-convertibilité de sa monnaie.
Retombée directe de la crise régionale, des milliers de Vietnamiens ont été
licenciés ces trois derniers mois dans l'ancienne Saïgon --premier
destinataire des investissements étrangers-- essentiellement dans des
filiales de groupes de Corée du sud, Hong Kong, Taiwan ou Thaïlande éprouvés
par la tempête régionale.
Le dông n'a perdu que 15% de sa valeur depuis le printemps 97 face au billet
vert mais "la hausse du dollar a rendu plus chers de nombreux produits
importés", souligne un fonctionnaire.
Beaucoup de Vietnamiens se plaignent de la hausse des prix, encore accentuée
par les taxes d'importation imposées sur les vélos, motos, cigarettes ou
alcools pour protéger l'industrie locale. La consommation intérieure recule.
"Cela fait trois jours que je n'ai pas pu vendre un téléviseur", explique le
propriétaire d'une boutique, "ce n'était pas comme ça ces dernières années
et si ça continue je vais fermer".
La crise régionale est intervenue à un moment où les nuages commençaient à
s'amonceler sur une économie vietnamienne fragile et a mis en relief la
dépendance du Vietnam vis-à-vis de ses voisins.
L'investissement étranger, véritable poumon pour l'économie, a baissé de
moitié l'an dernier, pour la première fois en dix ans d'ouverture. La
tendance se poursuivra probablement en 1998 puisque parmi les premiers
investisseurs au Vietnam figurent la Corée du sud, le Japon, la Thaïlande et
la Malaisie, pays durement touchés.
Le Vietnam réalise aussi la majorité de ses échanges commerciaux avec ses
partenaires de l'ASEAN. Mais les fortes dévaluations dans la région ont
rendu les exportations vietnamiennes encore moins compétitives et la
surévaluation du dong encore plus évidente.
Le Vietnam, dont la balance commerciale est largement dans le rouge, affirme
avoir déjà perdu un demi-milliard de revenus à l'exportation l'an dernier en
raison du cyclone asiatique.
AFP, le 9 janvier 1998.
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