Prudent mais fier, le Vietnam s'interroge sur sa maîtrise de la pneumonie
Les autorités médicales et politiques au Vietnam s'interrogent, dans un mélange de prudence et de fierté, sur ce qui leur a permis
jusqu'à maintenant de maîtriser la pneumonie atypique dans le pays, alors que l'épidémie s'emballe chez les voisins, notamment à
Hong Kong.
Chaque journée sans cas supplémentaire est une nouvelle occasion de se réjouir. Et voilà maintenant plus d'une semaine que cela
dure.
Même si chacun garde la tête froide au gouvernement, à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et dans les hôpitaux, c'est
presque autant par superstition que par prudence.
"On ne comprend pas, mais on est très content", résume le professeur Aileen Plant, une Australienne venue prêter main forte aux
équipes de l'OMS à Hanoi.
Les scientifiques redoutent le redémarrage violent et imprévisible, le cas trop longtemps non identifié qui menacerait la
communauté.
"C'est une maladie entièrement nouvelle dans le monde. Nous essayons tous d'apprendre autant que nous le pouvons", expliquait la
semaine passée Tim Uyeki, épidémiologiste au Centre américain de prévention et de contrôle des maladies (CDC), jugeant
"prématuré" de dire si des malades guéris risquaient ou non une rechute.
Mais la réussite du Vietnam n'est pas inexplicable.
Un coup de chance d'abord: "les autres pays ont connu plusieurs cas index, alors que le Vietnam n'en a connu qu'un", explique
Aileen Plant, évoquant l'homme d'affaires sino-américain en provenance de Chine, admis à l'hôpital français de Hanoi fin février avant
de mourir à Hong Kong.
L'expérience semble indiquer que les plus gravement atteints sont ceux directement contaminés par ce cas index. Les malades
secondaires ou tertiaires ont jusqu'à présent guéri.
Un exploit, ensuite: tout le monde admet que l'hôpital français a su conserver le virus entre ses murs. "Les membres du personnel
de l'hôpital forment une communauté assez fermée, certains vivant près les uns des autres. Au lieu de propager la maladie, ils se
sont infectés entre eux", explique le professeur Plant.
Une surprise, enfin: contrairement à la Chine, le gouvernement vietnamien, traditionnellement discret dans la tourmente, n'a pas
caché la situation à l'OMS, qui salue "la rapidité de sa réaction".
"C'est en isolant nos malades que nous avons pu éviter la propagation de la maladie", estime le professeur Le Dang Ha, directeur de
l'Institut des maladies tropicales de Bach Mai, le second hôpital de la capitale à s'être occupé de l'épidémie.
Mais lui aussi avoue ne pas tout expliquer. "Il y a peut-être d'autres raisons qu'il nous faudra du temps pour comprendre".
Nul, pourtant, ne se laisse aller au triomphalisme. Les frontières sont poreuses, l'arrivée d'un nouveau cas index est possible et
l'épidémie semble prendre des proportions inquiétantes en Chine, avec laquelle le Vietnam partage 1.130 kilomètres de frontières
terrestres.
Les ports, aéroports et postes-frontières terrestres sont théoriquement contrôlés. Toute personne entrant au Vietnam doit faire une
déclaration sur son état de santé.
Lors d'une réunion avec les responsables des six provinces frontalières avec la Chine, la ministre de la Santé leur a demandé lundi
de se préparer au transfert d'urgence des cas suspects dans des centres d'isolation.
"La maladie a été stoppée (à Hanoi). Mais peut-être qu'il y a des cas dans d'autres localités dont ne serions pas informés. Il est
encore tôt pour dire si la maladie est totalement enrayée au Vietnam", tempère le Dr. Ha.
Par Didier Lauras - Agence France Presse - 1er Avril 2003
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