Hanoi ressert l'étau autour de deux leaders de la dissidence bouddhiste
HANOI - La situation des droits de l'Homme s'est tendue au Vietnam cette semaine avec les menaces de Hanoi de placer en
résidence surveillée deux leaders de la dissidence bouddhiste, accusés de détenir des "secrets d'Etat".
Dans un communiqué de deux pages, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Le Dung, a menacé vendredi de placer
en résidence surveillée Thich Huyen Quang, 86 ans, patriarche de l'Eglise bouddhiste unifiée du Vietnam (EBUV, dissidente) et son
numéro deux, Thich Quang Do, 75 ans. Le Bureau international d'information bouddhiste (IBIB), basé à Paris, a vivement réagi
samedi, évoquant une "accusation totalement absurde qui démontre la paranoïa du régime vietnamien". Les deux moines, qui font
déjà l'objet d'une surveillance très serrée depuis vingt ans, ont été arrêtés brièvement jeudi matin alors qu'ils se rendaient à Ho Chi
Minh-Ville (sud).
Le porte-parole du ministère a affirmé que des "preuves de leurs mauvaises intentions, y compris des secrets d'Etat" avaient été
découvertes sur les deux religieux. Faisant dépendre leur sort "des résultats de l'enquête et de leur attitude", Dung a également
accusé les moines de restructurer leur église sur la base d'"ambitions personnelles et de motivations politiques", en vue de
"saboter" l'Eglise bouddhiste du Vietnam (EBV), la seule autorisée dans le pays depuis 1981.
Mercredi, les religieux avaient été empêchés durant une dizaine d'heures de poursuivre un voyage qu'ils voulaient effectuer vers
Ho-Chi-Minh-Ville depuis une pagode de la province de Binh Dinh (centre). Selon l'IBIB, les deux moines et beaucoup de leurs
fidèles sont victimes de harcèlement depuis que la police a appris qu'une assemblée extraordinaire de l'EBUV avait été convoquée
mi-septembre en vue de réorganiser l'Eglise. Cette aggravation de la tension a été jugée vendredi "absolument inexplicable" par un
diplomate occidental.
Elle intervient en effet alors que Hanoi, beaucoup critiquée ces derniers mois pour sa politique en matière de droits de l'Homme,
avait effectué quelques gestes plutôt positifs en direction de l'EBUV. "C'est comme si (les autorités vietnamiennes) réclamaient
d'être fichées sur la liste noire", a ajouté le diplomate. Ce durcissement de ton coïncide par ailleurs avec la venue au Vietnam de
John Hanford, représentant du département d'Etat américain pour la liberté religieuse, qui ne manquera pas d'évoquer le dossier.
En avril, le Premier ministre vietnamien, Phan Van Khai, avait pourtant organisé une rencontre surprise avec Quang, sous l'oeil des
caméras de télévision. Selon des sources proches de l'EBUV, Hanoi aurait alors tenté de persuader le moine d'accepter des
responsabilités dans l'Eglise bouddhiste "officielle", ce qu'il a rejeté.
Certains observateurs estiment aujourd'hui que Hanoi a choisi de resserrer l'étreinte. "Les autorités savent qu'elles ne peuvent pas
emprisonner Quang et Do car ils sont vieux et malades. Elles font donc tout ce qu'elles peuvent pour les empêcher de poursuivre
leurs activités", estime une source vietnamienne. Do était sorti fin juin de deux ans de résidence surveillée. Quang est pour sa part
déjà de facto -et sans procès- en résidence surveillée depuis plus de vingt ans.
Depuis son monastère de Binh Dinh, il a déclaré à l'AFP que la police essayait de le séparer de son numéro deux "car elle a peur
que nous planifions ou discutions de sujets politiques".
Agence France Presse - 12 Octobre 2003
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