La condamnation d'un dissident vietnamien témoigne d'une répression intacte
La condamnation vendredi à Hanoï d'un
dissident vietnamien à 12 années de prison
ferme pour "espionnage" confirme l'existence
d'une nouvelle campagne de répression et
témoigne à tout le moins d'une détermination
politique intacte des autorités à bâillonner la
contestation.
Nguyen Khac Toan, 47 ans, ex-officier de l'armée
nord-vietnamienne, a été condamné à 12 ans
d'emprisonnement et trois ans de résidence
surveillée, à l'issue d'un procès d'une journée à
peine à Hanoï, onze mois après son arrestation
dans un café internet de la capitale.
Le lieu de l'arrestation est tout sauf anodin :
internet constitue depuis son introduction au
Vietnam en 1997 l'une des grandes angoisses
des autorités et est aujourd'hui regardé comme
un véritable cheval de troie dans l'enceinte
fortifiée où l'Etat entend maintenir la presse et
la dissidence politique.
En juin, le Premier ministre Phan Van Khai avait
ordonné que soit interdit dans les cafés l'accès
aux sites pornographiques, à ceux contenant
des "secrets d'Etat" et à ceux affichant des
"documents réactionnaires".
Le 8 novembre, le "cyberdissident" Le Chi
Quang, accusé d'avoir publié sur internet des
articles critiques à l'égard du régime, avait été
condamné à quatre ans de prison à Hanoï.
Nguyen Khac Toan aurait été par internet en
contact avec des opposants Vietnamiens de la
diaspora, a relaté la presse vietnamienne qui
évoquait largement l'affaire dans les éditions de
samedi.
Selon l'organe du Parti communiste Nhan Dan, le
dissident a "calomnié et dénigré les cadres du
Parti et de l'Etat, en envoyant des lettres
électroniques et en fournissant des informations
à certains Vietnamiens réactionnaires exilés en
France".
L'utilisation du chef d'accusation d'"espionnage"
aura permis au tribunal d'avoir la main
particulièrement lourde.
"La stigmatisation de Nguyen Khac Toan comme
+espion+ non seulement étouffe la liberté
d'expression à travers l'utilisation d'une
législation approximative sur la sécurité
nationale, mais aussi criminalise des activités
considérées comme parfaitement légales au
regard de la loi internationale et dans la plupart
des pays dans le monde", a immédiatement
commenté Amnesty International.
Vendredi, l'organisation Human Rights Watch
(HRW), qui avait révélé l'existence du procès de
Toan, avait dénoncé plusieurs arrestations à
Hanoï et dans la ville portuaire de Haï Phong
(100 km à l'est de la capitale).
"Le gouvernement vietnamien continue
d'arrêter, d'emprisonner et de harceler des gens
qui ne font que réclamer des réformes
démocratiques et un gouvernement
responsable", affirmait l'organisation basée à
New-York, indiquant qu'une autre défenseur de
la démocratie, Nguyen Vu Binh, arrêté en
septembre dernier, devrait aussi comparaître
prochainement.
A Haï Phong, selon HRW, Dam Minh, 75 ans, "a
été détenu pendant 11 jours et interrogé sur
ses relations avec d'autres dissidents avant
d'être relâché le 10 décembre. Il est connu pour
son franc-parler sur les problèmes de corruption
et de violation des droits de l'Homme".
Une autre personnalité très critique, Vu Cao
Quan, aurait par ailleurs été interrogée pendant
plusieurs jours par la police et pourrait être
incessamment arrêtée. Il avait claqué la porte
du parti en 1999 pour protester contre
l'expulsion du général en retraite et célèbre
dissident Tran Do, décédé depuis.
Par Didier Lauras - Agence France Presse - 21 Décembre 2002.
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