Des villages écologiques pour lutter contre la
pauvreté des minorités ethniques
BA VI - Des groupes d'enfants
qui jouent avec entrain au milieu de cultures en
terrasses luxuriantes témoignent de la réussite d'un village écologique
créé par la première ONG privée du Vietnam pour une centaine de familles de
l'ethnie Dzao, l'une des plus pauvres du Vietnam.
Le village Dzao de Thou So, dans la zone tampon du parc naturel de Ba Vi, à
60 km au nord-ouest de Hanoï, a été installé sur des collines dénudées par
la déforestation et l'érosion dues à la culture sur brulis menée
jusqu'alors par les Daos semi-nomades, et qui les avait conduits à la
misère et au bord de l'extinction.
"Les Dzaos allaient disparaître, il fallait trouver une solution. Créer un
village écologique pour les fixer sur leurs terres nous a paru
indispensable", explique le professeur Nguyen Van Truong, directeur de
l'institut d'écologie économique, Eco-Eco Vietnam, fondé en 1990.
"Pour que les Dzaos viennent s'installer dans ce village, notre ONG a
utilisé sa recette habituelle: apporter des ressources financières et une
assistance technique directement aux habitants, engager un expert pour
vivre avec eux et leur apprendre les techniques de l'écologie" ajoute M.
Truong (79 ans).
L'implantation a débuté en 1993 et aujourd'hui, 81 familles regroupant 500
personnes ont transformé 200 hectares de collines en jardins verdoyants où
arbres fruitiers, étangs à poissons et rizières apportent un contraste
frappant avec les vallées voisines dénudées.
"Toutes ces cultures sont faites sans engrais chimiques, et les Dzaos n'ont
pas besoin de pesticides car la culture en mosaïque apporte une résistance
naturelle aux insectes et maladies, tout en retenant les sols et en mettant
fin à l'érosion", indique le Pr. Truong.
"Le Vietnam est surpeuplé, il manque de terres agricoles et il est
nécessaire de mettre en oeuvre des solutions audacieuses pour lutter contre
la pauvreté, les villages écologiques en sont une", affirme le Pr. Truong,
proche des dirigeants vietnamiens dont il est un conseiller officieux.
Sous l'impulsion de ce septuagénaire qui parle cinq langues et cite
volontiers Corneille pour rappeler qu'à "vaincre sans péril on triomphe
sans gloire", Eco-Eco a lancé depuis dix ans une quinzaine de projets
destinés aux minorités ethniques de différentes régions défavorisées du
pays.
Le Vietnam compte 54 minorités ethniques représentant environ 20% des 80
millions d'habitants du pays.
Trois villages écologiques sont déjà achevés dont l'un, dans la province de
Quang Tri (centre) a permis de réhabiliter 120 hectares de dunes de sable
et d'y installer une centaine de familles qui pratiquent la culture
maraîchère biologique à l'abri de rideaux d'arbres.
"Les donateurs étrangers nous font confiance car ils savent que leurs fonds
sont utilisés directement par les populations auquelles ils sont destinés,
le village de Ba Vi a ainsi été financé en grande partie par le Comité
catholique français contre la faim et pour le développement (CCFD)",
précise M. Truong.
Cette aide a permis de construire à Thou So une infirmerie avec une salle
d'accouchement, deux écoles et une petite maison de la culture et d'assurer
la formation des infirmières-sages-femmes et des instituteurs issus de la
population.
Les villages écologiques nécessitent un investissement de 200 dollars par
hectare, alors que les normes du Programme des Nations unies pour le
développement (PNUD) fixent une norme de 500 dollars par hectare, rappelle
le Pr Truong.
"Sur les 8000 mètres carrés de terre inculte qui m'avaient été attribués,
j'ai pu faire pousser avec les conseils des experts des théiers, des
légumes, du maïs, du sésame, du manioc et de nombreux arbres fruitiers.
Tout cela me permet de nourrir ma famille et de vendre le surplus", affirme
Trieu Thi Thanh, un chef de famille de cinq personnes.
"Nous élevons aussi des poissons, des volailles et des porcs de manière
naturelle. Pour nous, la famine et la pauvreté ne sont plus qu'un mauvais
souvenir", conclut Thanh.
AFP, le 10 Juin 1999.
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