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La population tenue l'écart de la célébration de l'anniversaire de la victoire

HO CHI MINH-VILLE - Le Vietnam a célébré dimanche avec solennité la victoire remportée il y a un quart de siècle par les forces communistes de Hanoi, point final à 30 ans de guerre dans le pays. Mais, paradoxalement, la commémoration de cet évènement historique de premier plan -- la seule guerre jamais perdue par la puissante Amérique -- a eu lieu sans que la population de Ho Chi Minh-Ville, l'ancienne Saigon, prise le 30 avril 1975, y soit associée.

Entourée de mesures de sécurité importantes, la cérémonie a pris la forme d'un meeting à l'intérieur de l'enceinte de l'ancien palais présidentiel, devant des unités de l'armée, des anciens maquisards vietcong bardés de décorations, et des représentant d'associations affiliées au parti communiste au pouvoir. La population de Ho Chi Minh-Ville, que tout le monde ici appelle toujours Saigon, était tenue à distance par des chevaux de frise mis en place autour d'un vaste périmètre autour du palais, gardés par des troupes d'élite aux uniformes camouflés des forces spéciales du ministère de l'Intérieur.

Ce n'est qu'une fois le meeting terminé que des milliers de Saigonnais ont pu s'approcher pour assister, avec beaucoup d'enthousiasme, à l'arrivée d'une course cycliste. Le manque d'éclat de la cérémonie semble être dû à la crainte des autorités de voir éclater des désordres. C'est ce qui est ressorti de déclarations de responsables municipaux qui, annonçant dans les derniers jours qu'un projet de grande parade dans la ville avait été écarté, avaient évoqué à l'appui des menaces de sabotage par des "mauvais éléments".

La participation au meeting du Secrétaire général du Parti Communiste Vietnamien Le Kha Phieu a été gardée secrète jusqu'au bout, de même que celle d'autres personnalités de Hanoi. Parmi elles figurait notamment le Général Vo Nguyen Giap, le principal artisan des victoires communistes sur les Français, puis sur les Américains et leurs alliés sud-vietnamiens. Alors que la cérémonie de la victoire à Hanoi, tenue samedi, avait été placée sous le signe d'une certaine grogne à l'égard des Etats-Unis, celle de Ho Chi Minh-Ville l'a été sous celui de la lutte contre les fléaux sociaux -- corruption et criminalité, drogue en particulier.

Prenant la parole sous un portrait géant de Ho Chi Minh, le leader révolutionnaire décédé en 1969 et considéré commme le père de l'indépendance du Vietnam, le maire, M. Vo Viet Thanh a stigmatisé "les comportements arbitraires et impérieux, les dépenses empreintes de gaspillage, les détournements de fonds, les pots-de-vin et autres fléaux sociaux, comme la plaie sans cesse plus répandue des stupéfiants". "Ces problèmes nous rendent, tous, inquiets, et font surgir dans notre coeur un sentiment de culpabilité vis-à-vis de ceux qui sont tombés au champ d'honneur", a-t-il poursuivi. M. Thanh a tonné contre "la dégradation que connaissent les mises en application de la loi ainsi que les valeurs morales et spirituelles". Le maire de Ho Chi Minh-Ville s'est aussi adressé aux investisseurs étrangers pour leur donner l'assurance que cette métropole économique et financière du Vietnam les accueilleraient "à bras ouverts".

Tenue à l'écart de cette cérémonie officielle, la population a paru, quant à elle, faire preuve d'une certaine indifférence vis-à-vis de l'anniversaire. Les échoppes de la ville se sont remplies de clients comme d'habitude, et rares étaient ceux qui, dans les rues, s'arrêtaient devant les postes de télévision diffusant le meeting en direct. Des milliers de gens ont, en revanche, pris possession de cette même avenue qu'avaient dévalée en 1975 les chars de Hanoi, lorsqu'elle a été empruntée, cette fois, par les 61 rescapés de la course cycliste Hanoi-Hué-Ho Chi Minh Ville, organisée sur le modèle du Tour de France.

Une autre manifestation qui a remporté un certain succès a été celle qui s'est déroulée avec le mariage symbolique de 25 couples, vêtus de costumes traditionnels aux couleurs chatoyantes, qui ont échangé leurs voeux devant une statue de Ho Chi Minh édifiée devant la mairie construite naguère par les Français.

AFP, le 30 Avril 2000.


Le tank de la victoire est devenu célèbre mais son équipage n'en a pas profité

HO CHI MINH VILLE - Leur tank est devenu un symbole de la chute de Saïgon, mais l'équipage de l'engin qui avait enfoncé les grilles du palais présidentiel de Saïgon le 30 avril 1975 n'en a pas tiré profit. Alors que les autorités communistes du Vietnam célébraient dimanche le 25e anniversaire de la fin de la guerre du Vietnam par un défilé auquel assistaient les principaux responsables du pays, le Tank N 843 siégeait dans l'enceinte du palais, fraîchement repeint.

Mais ses quatre membres d'équipage, maintenant quinquagénaires, n'ont pas été traités en héros, ils ont juste été conviés, comme des milliers d'anciens combattants le sont tous les cinq ans, à assister au défilé de la victoire. Les 4 hommes regardaient des photos de leur tank défilant dans la rue, portées par des délégations de sociétés d'Etat ou d'agences gouvernementales qui suivaient les forces armées et les organisations de masse.

Pour les responsables des sociétés d'Etat, le tank 843 est devenu un symbole, comme l'indiquait une affiche en tête de leur groupe, des "produits de haute qualité Made in Vietnam". L'agence d'Etat du tourisme utilisait également le tank dans sa campagne publicitaire, et un homme en tenue de tankiste se tenait fièrement sur une reproduction en carton de l'engin aux flancs duquel on pouvait lire le slogan: "Vietnam, une destination pour le nouveau millénaire".

Quant aux membres de l'équipage du tank original, cette renommée n'a pas eu beaucoup d'effets sur leurs conditions de vie. Démobilisé après la guerre et âgé aujourd'hui de 60 ans, le commandant du tank, Vu Dang Toan se plaignait qu'alors que les médias internationaux avaient donné un large écho à l'époque à son entrée dans le palais, il n'a reçu aucune récompense des autorités de son pays. "Tout le monde sait que nous conduisions ce tank, mais nous n'avons rien reçu de l'Etat", a dit M. Toan à l'AFP après la cérémonie de dimanche. "Ce n'est que lorsque le gouvernement organise des célébrations qu'il nous invite à y assister", s'est-il plaint.

Toan a précisé qu'après sa démobilisation, il est retourné dans son village de la province de Hai Giang, dans le nord du pays, près de la frontière chinoise où la vie "est difficile". "Nous élevons des poissons, je fais ce que je peux pour vivre", a-t-il ajouté. Toan et les autres membres de l'équipage, Ngo Sy Nguyen, Nguyen Van Tap et Le Van Phung, eux aussi paysans dans le nord du Vietnam, observaient dimanche en silence la nouvelle richesse de Saïgon, rebaptisée Ho Chi Minh-Ville après la guerre et devenue le principal centre économique du pays.

AFP, le 30 Avril 2000.