Hanoï durcit sa position sur les droits de l'homme
HANOI - Le Vietnam a durci sa position en lançant des
avertissements aux défenseurs des droits de l'homme et en arrêtant
récemment plusieurs dissidents pour resserrer sa cohésion nationale,
estiment les diplomates à Hanoï.
Les autorités vietnamiennes ont menacé cette semaine de ne plus accepter
dans le pays "les individus ou organisations qui viennent au Vietnam pour
mener des activités concernant les droits de l'homme ou la religion et
interférant dans les affaires intérieures du pays".
Cet avertissement, lancé à l'occasion de la publication à Genève d'un
rapport du Rapporteur spécial de l'ONU sur la liberté religieuse,
Abdelfattah Amor, appelant à une plus grande liberté religieuse, témoigne
d'une crispation des autorités vietnamiennes, affirment des sources
diplomatiques.
Cette crispation avait déjà été manifestée par l'arrestation à Hanoï début
mars, d'un scientifique et écrivain dissident, Nguyen Thanh Giang et par
l'expulsion début janvier du Parti communiste vietnamien (PCV), d'un ancien
apparatchik, le général en retraite Tran Do, vétéran auréolé de prestige.
"Tous ces faits montrent un durcissement du régime qui a pour priorité de
ressérer la cohésion nationale, même au détriment de son image extérieure",
selon une source diplomatique occidentale.
"L'arrestation de M. Giang et l'expulsion du général Do sont des
avertissements pour tous les autres dissidents", a précisé cette source.
"Le Parti et le gouvernement ne tolèreront pas une contagion de la
contestation au moment ou de nombreuses voix s'élèvent contre la corruption
et pour réclamer une démocratisation accrue".
Une demande des Etats-Unis de libération de M. Giang a été dénoncée par
Hanoï qui l'a qualifiée "d'intervention flagrante dans les affaires
intérieures du Vietnam, inacceptable dans les relations internationales".
M. Giang, 63 ans, avait été arrêté le 4 mars dans une rue de la capitale
vietnamienne pour "possession de propagande anti-socialiste".
Ce scientifique dissident a été fréquemment interpellé et interrogé par la
police au cours des dernières années.
Selon l'association de défense des droits de l'homme Human Rights Watch,
qui a dénoncé l'arrestation de M. Giang, le dissident pourrait être jugé
pour crimes contre la sécurité nationale et encourir, selon la loi
vietnamienne, de 3 à 12 ans de prison.
De son côté, le général Tran Do, avait été expulsé du Parti début janvier.
Cette décision, prise par le Bureau politique du PCV, la plus haute
instance du Parti, signalait un renforcement du clan conservateur, selon
des diplomates.
Le général Tran Do, 75 ans, s'était distingué au cours des derniers mois
par ses fortes critiques contre la politique du PCV et avait lancé des
appels à une démocratisation au Vietnam, même au prix d'un abandon du
socialisme. "Le Vietnam peut se débarrasser du socialisme si ce modèle
n'apporte pas le bonheur et la liberté au peuple", avait affirmé le général
en retraite.
"D'autres arrestations et expulsions pourraient survenir prochainement" a
estimé une autre source diplomatique, et les autorités vietnamiennes ont
réaffirmé à plusieurs reprises que "tous les citoyens vietnamiens qui
enfreignent la loi devront répondre de leurs actes devant la justice".
"Le redressement de la situation économique est la priorité du régime
communiste qui pense qu'il est primordial d'éviter que ce redressement
entraîne une situation semblable à celle de la Russie ou de l'Indonésie
voisine", ajoute un diplomate, "c'est la raison du choix de cette fermeté
nouvelle".
AFP, le 21 mars 1999.
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