Hanoï cherche à améliorer son image sur les droits de l'Homme
HANOI - Le régime communiste vietnamien semble désormais
soucieux d'améliorer son image sur les droits de l'Homme, estimaient jeudi
les analystes au lendemain de la libération d'un journaliste emprisonné qui
intervenait après plusieurs gestes de bonne volonté.
Toutefois nombre d'entre eux soulignaient que ces gestes à l'attention de
la communauté internationale n'étaient qu'un tout premier pas alors que le
Parti communiste continue dans l'ombre d'étouffer toute forme de
dissidence.
Nguyen Hoang Linh, ancien rédacteur-en-chef d'une revue économique ayant
mis au jour un scandale de corruption au sein des douanes, a été libéré
mercredi, au soir de son procès, grâce à une étrange sentence de 12 mois et
13 jours de prison.
Ce verdict, décrit par un analyste comme une "farce", permettait au régime
de ne pas se désavouer puisqu'il correspond au jour près au temps où Linh a
été détenu.
Plusieurs organisations internationales de défense des droits de l'homme
avaient appelé à l'acquittement et à la libération de Linh qui encourait
trois ans de prison. "C'est une très bonne nouvelle, c'est un bon début", a
commenté un diplomate occidental.
L'élargissement du journaliste intervient alors que Hanoï accueille pour la
première fois le rapporteur spécial de l'ONU sur l'intolérance religieuse.
Le Tunisien Abdelfattah Amor, qui avait tenté depuis trois ans sans succès
de se faire ouvrir les portes du Vietnam, effectue jusqu'au 28 octobre une
mission d'information particulièrement délicate.
Il doit rencontrer, outre les autorités, des représentants des églises
non-officielles et probablement des religieux incarcérés avant de présenter
son rapport à la Commission des droits de l'Homme.
Fin août, le Vietnam avait aussi amnistié des responsables bouddhistes et
catholiques ainsi que des dissidents politiques parmi lesquels des hommes
dont divers gouvernements occidentaux avaient plaidé la cause auprès de
Hanoï, comme l'écrivain-journaliste Doan Viet Hoat, autorisé à émigrer aux
Etats-Unis.
Hanoï a annoncé jeudi que 2.600 amnisties supplémentaires avaient été
décidées.
En août, le régime communiste avait laissé se dérouler sans trop d'entraves
le plus important festival catholique jamais organisé au Vietnam,
autorisant quelque 60.000 pèlerins à converger vers le sanctuaire de La
Vang (centre).
"Aujourd'hui, les autorités doivent faire face à une pression plus forte
non seulement de l'extérieur mais aussi de l'intérieur du pays", explique
un haut responsable de l'Armée à propos de ces assouplissements.
Comme le déclare prudemment un analyste, "on peut accorder à Le Kha Phieu
(le secrétaire général du PCV) le bénéfice du doute, mais ceci parait
relever d'une opération de relations publiques extérieures".
Pour certains en effet, Hanoï applique en matière de droits de l'homme une
politique à deux faces : gestes symboliques destinés à l'étranger et, sur
le plan intérieur, poursuite d'une répression silencieuse mais implacable
de toute forme de dissidence.
"Des dizaines de responsables religieux sont toujours derrière les barreaux
ou en résidence surveillée", notait cette semaine l'Organisation Human
Rights Watch, tout en se félicitant de la visite de M. Amor.
Des intellectuels ayant lancé des appels à une démocratisation font l'objet
d'un harcèlement policier incessant au coeur de Hanoï ou de l'ex-Saïgon :
surveillance, lignes téléphoniques sur écoute ou coupées, pressions sur
leurs proches.
Enfin, la condamnation de Linh, journaliste accusé d'avoir "porté atteinte
au prestige des douanes" en "publiant des informations erronées et
subjectives" comme l'écrivait jeudi le quotidien Nhan Dan, est là pour
rappeler à la presse vietnamienne qu'elle doit rester aux ordre.
Rares sont les journalistes à aller jusque devant les tribunaux au Vietnam
tant sont nombreux les niveaux de censure que doivent franchir leurs
articles avant publication.