Davantage de peines de mort, mais toujours plus de drogue
HANOI - L'espoir que le durcissement de la législation et les
opérations coup de poing contre le trafic de drogue allaient endiguer ce
fléau national a été déçu: plus les tribunaux ont la main lourde, plus le
trafic et la consommation de stupéfiants se répandent au Vietnam.
Au cours des huit premiers mois de l'année 28 trafiquants ont été condamnés
à mort, le même nombre que pour toute l'année 1997. Vingt trafiquants
avaient été envoyés devant le peloton d'exécution en 1996 et huit en 1995.
Débordé par l'afflux de stupéfiants sur son territoire, le Vietnam avait au
printemps 1997 durci sa législation anti-drogue, rendant passible de la
peine de mort la possession d'au moins 100 grammes d'héroïne (contre un
kilo) et de 5 kilos d'opium (contre 10).
En mars dernier, les autorités avaient voulu envoyer un sérieux
avertissement aux trafiquants en exécutant collectivement sept Vietnamiens
après un procès très médiatisé à la suite de la découverte du plus
important trafic de drogue jamais vu au Vietnam.
Mais en dépit des risques, la vente et la consommation de drogues, en
particulier d'héroïne, ont pris des allures d'épidémie dans des villes
comme Hanoï et Ho Chi Minh-Ville (sud). Le Vietnam compterait au moins
200.000 drogués selon des estimations occidentales.
Rue Dao Duy Tu, dans le centre de la capitale. Les drogués peuvent acheter
de l'opium et de l'héroïne vendus discrètement dans des buvettes de thé ou
des boutiques de produits de consommation courante.
"Avec seulement 50.000 dongs (3,5 USD), on peut acheter une petite dose
d'opium ou d'héroïne aussi facilement ici qu'un paquet de bonbons", affirme
Nguyen Thai, un habitant de cette rue baptisée "marché des drogués".
Dans tous les coins de Hanoï la drogue est présentée en très petites doses
de 25.000 à 50.000 dongs (1,5 à 3 dollars). Les écoliers et lycéens sont
devenus les cibles favorites des réseaux de dealers.
La situation est encore pire dans l'ex-Saïgon où 700 kilos d'héroïne sont
consommés chaque année via plus de 630 lieux de vente et où le nombre des
drogués répertoriés a doublé en un an, selon la police locale.
"Les saisies et le nombre des drogués sont en hausse alors que nous menons
de plus en plus d'activités de nettoyage", admet Tran Quang Duc, un
officier chargé de la lutte anti-drogue de la police de Hanoï.
Le nombre des affaires découvertes et des arrestations a aussi augmenté
respectivement de 30% et 40% par an depuis 1993, précise M. Truong Huu
Quoc, chef du Département général de la police vietnamienne.
Mais, pour le vice-directeur de la police municipale de l'ex-Saïgon, Than
Thanh Huyen, "les dealers sont de mieux en mieux organisés et sont beaucoup
plus mobiles avec les téléphones portables". "C'est une lutte complexe et
de longue haleine pour laquelle la police manque des moyens financiers et
d'équipements de communication et de détection", a-t-il déclaré à la
presse.
"On ne peut pas arrêter tous les petits vendeurs de drogue, ils sont trop
nombreux", a ajouté M. Huyen, pour qui "les trafiquants n'ont même pas peur
de la peine de mort".
La drogue est importée au Vietnam du Triangle d'Or (Thaïlande, Laos et
Birmanie) et d'autres pays du sud-est asiatique grâce à des frontières très
poreuses.
"Le Vietnam possède des milliers de km de frontières avec ses voisins mais
la coopération entre notre police, nos garde-frontière et nos douaniers
n'est pas assez bonne", a expliqué de son côté le directeur de la police
nationale chargée de la lutte anti-drogue, M. Vu Hung Vuong.