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Le Parti communiste menacé de désintégration, selon un ancien idéologue


HANOI - Le Parti communiste vietnamien (PCV) est menacé de désintégration s'il n'accepte pas des "réfomes politiques radicales", a averti un général et ancien idéologue du Parti dans une lettre à la teneur explosive adressée aux plus hauts dirigeants.

Le général Trân Dô, vétéran révolutionnaire et ancien responsable idéologique au sein du Parti, a expliqué jeudi à l'AFP avoir adressé cette lettre en décembre au numéro un du PCV Dô Muoi ainsi qu'à son successeur Lê Kha Phiêu, au Premier ministre Phan Van Khai et son prédécesseur Vo Van Kiêt, au président de l'Assemblée nationale Nông Duc Manh et à "tous ceux qui s'intéressent" au Vietnam.

"Je n'ai pas eu de réponse", a déclaré le général en retraite de 74 ans, ancien chef de l'idéologie de la Commision de la Culture de la littérature et des Arts qui réside à Hanoï, à propos de cette lettre dans laquelle il dresse un constat très sévère des échecs du régime communiste.

"Les réformes économiques actuelles exigent des réformes politiques radicales (car) la concentration de tous les pouvoirs (par le PCV) entraîne la dégénérescence du Parti lui-même", explique dans cette lettre le général considéré comme une figure intellectuelle respectée et très connue au Vietnam.

Il appelle à "des élections libres" et demande que "soit promulgué un code légal instituant la liberté d'opinion et d'expression, qui s'accompagnent évidemment de la liberté de presse et de publication".

Cette lettre, qui constitue un véritable pavé dans la mare, évoque longuement les récentes manifestations paysannes contre la corruption des cadres du Parti dans la province de Thai Binh (nord), dont le général est originaire. Ces troubles ont profondément ébranlé la direction du PCV.

"Si le régime n'arrive pas à sortir de la crise sociale, l'instabilité sera croissante et le Parti sera obligé de la réprimer, ce qui se soldera par son effondrement", avertit le général.

"Dans de telles circonstances, il devrait y avoir des échanges francs et constructifs, dans les journaux, dans les organisations sociales et aussi au sein du Parti", poursuit le texte. "Mais, curieusement, on voit de plus en plus de restrictions dans le domaine de l'expression".

"Ce sont ces mêmes paysans qui ont constitué une base sociale solide du Parti qui tournent aujourd'hui le dos aux organisations du Parti pour se défendre, une chose que je n'aurais jamais pu imaginer", estime l'auteur.

"Je crains que les troubles de Thai Binh n'annoncent un plus grand danger pour le Parti s'il n'arrive pas à en tirer les leçons justes et douloureuses", estime-t-il.

"La solution vitale pour régler ces problèmes, c'est la démocratisation", conclut le texte. Le général avait déjà écrit il y a deux ans à Dô Muoi pour réclamer l'abandon de la "dictature du prolétariat" en faveur de l"'Etat de droit", mais la présente lettre va encore plus loin dans sa critique du régime.

Avant lui, d'autres anciens hauts responsables du Parti ayant pris leurs distances avec le régime ont lancé des appels à une démocratisation, notamment Hoang Minh Chinh, qui a purgé un an de prison jusqu'en juin 1996.

La lettre du général Dô est la dernière illustration en date des profondes fissures à l'intérieur du Parti communiste. Elle témoigne aussi du fait que la dissidence la plus menaçante, et celle qui s'exprime le plus, provient de ses propres rangs.

AFP, le 5 février 1998.