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Quand la jeunesse dorée vietnamienne défie la mort dans des courses de motos

On les aperçoit de temps de temps, avant les premières lueurs du jour, ivres de vitesse sur leurs motos japonaises, défiant la mort dans d'irréels raids sauvages au coeur des villes: depuis quelques années, la jeunesse vietnamienne tue l'ennui dans des courses de motos illégales. Mieux vaut céder le passage. Parfois à deux par motos, ils ne sont jamais casqués.

Occasionnellement, certains suppriment les freins pour pimenter l'exercice. Evidemment, les accidents sont souvent mortels. On se déplace de province pour participer à une course, et l'on mise sur un motard, comme d'autres sur un cheval, des sommes qui peuvent atteindre les milliers de dollars. Le phénomène s'est largement développé ces dernières années. L'accroissement du pouvoir d'achat a mis à disposition de la jeunesse désoeuvrée des engins pas plus gros que des mobylettes, mais propulsés par des moteurs de 100 ou 110 centimètres cubes.

"Sortis des filles, de la musique et des boîtes de nuit, ils n'ont pas grand-chose à faire", note un diplomate étranger. "Il éprouvent un fort besoin de décompression face au rythme hallucinant des études, de la course à l'université et de la promiscuité familiale. Il y a un moment où il faut qu'ils s'éclatent", ajoute-t-il. Impossible de taxer le pouvoir d'inaction, les procès se succèdent. Mais la partie n'est pas gagnée.

Certains journaux jugent les peines trop légères et s'insurgent contre l'indulgence obtenue par ces fils de bonne famille à force de contacts et de pots-de-vins. Et ces têtes brûlées, gagnées par le sentiment d'impunité qui règne chez leurs parents, échappent le plus souvent aux barrages et lances à eau déployés par la police lorsqu'elle est prévenue à temps. La transgression fait même partie intégrante du plaisir, dans un pays où "le policier est celui qui rançonne et peut arrêter n'importe qui, n'importe quand", ajoute le diplomate.

Récemment, le directeur-adjoint de la police de Hanoi, le colonel Nguyen Duc Nhanh, a indiqué que ses équipes envisageaient l'usage de balles en plastique imprégnées d'un produit chimique pour marquer les corps et les vêtements. Seules les autorités disposeraient du produit pour les effacer. Si la jadis silencieuse capitale Hanoi est de plus en plus touchée, c'est encore à Ho Chi Minh-Ville (sud) que le phénomène a pris le plus d'ampleur.

En octobre 2002, la police avait arrêté 4 personnes et confisqué plus de cent motos lors de dizaines de courses dans l'ex-Saigon. En mai dernier, dix écoliers ont été grièvement blessés lors d'une course. De temps en temps, la capitale économique du sud se prête aussi aux courses de grosses cylindrées, des 600 ou 800 centimètres cubes illégalement importées de Thaïlande. "C'est à la fois une course et une présentation de puissance, de richesse et de virilité", explique le diplomate.

Mais les limites sont sans cesse repoussées. Cet été, six gosses de riches ont été arrêtés après une course sauvage. En voitures de luxe, cette fois. A en croire la presse locale, l'un d'eux, fils d'une riche femme d'affaires, a proposé 400 dollars à un policier pour qu'il ferme les yeux. A la surprise générale, ce dernier a refusé et le jeune homme a été condamné à de la prison ferme. Les cinq autres n'ont en revanche écopé que de peines avec sursis.

"Cette inégalité est-elle née du fait que ces motards sont tous des fils de familles aisées ?", s'interrogeait benoîtement une mère de famille dans le courrier des lecteurs d'un quotidien saigonnais.

Par Le Thang Long - Agence France Presse - 2 Novembre 2003.