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Jacques Chirac déambule au milieu de 13 siècles d'histoire vietnamienne

"Et ce général chinois qui avait créé son petit empire, il était là ?" Délaissant quelques minutes ses entretiens bilatéraux, Jacques Chirac a visité jeudi soir à Hanoï le site archéologique de Ba Dinh, où ont été découverts les vestiges de treize siècles d'histoire vietnamienne.

Amateur de vieilles pierres et d'histoire asiatique, le président français n'a pas fait l'impasse sur le site de l'ancienne cité impériale de Thang Long, l'ancien nom de Hanoï ("Le dragon qui s'envole"), découvert il y a tout juste un an et qui passionne depuis les chercheurs vietnamiens et étrangers.Les vestiges ont failli être recouverts d'un béton assassin: les premières pièces ont été découvertes en septembre 2003, lors des premiers travaux de construction de la nouvelle assemblée nationale du Vietnam. Amateur de symboles, le pouvoir communiste entendait construire son nouveau parlement à proximité de l'actuel, en face du mausolée de Ho Chi Minh, l'omniprésent père de la Nation.

Mais ce projet n'a pas survécu aux bronzes, porcelaines et céramiques, dragons, unicornes et oiseaux mythiques, vases, bols et instruments de cuisine découverts sur le site. "Treize siècles d'histoire sont compressés dans une couche de terrain dont l'épaisseur n'atteint pas 5 mètres. C'est ce qui en fait son extraordinaire valeur", explique Philippe Papin, historien à l'Ecole pratique des hautes études (EPHE) à Paris et spécialiste du Vietnam. "C'est ici, sur ces quelques hectares, que, depuis le IXe siècle jusqu'à nos jours, s'est établi le coeur politique du pouvoir", ajoute le chercheur, qui dirige le projet de l'Ecole française d'Extrême-Orient (EFEO) pour mettre en valeur le site.

Attentif, le président déambule silencieusement sur un tapis rouge disposé à son attention au milieu des deux hectares de fouilles. Puis il entre dans le vif du sujet."La période Tran, c'est où?", demande-t-il à Philippe Papin en regardant des strates de fouilles. "A la limite noire, sous la bâche en plastique", répond l'historien. Le président ajuste ses lunettes pour observer, plus loin, un petit dragon, typique de la dynastie des Ly (1010-1225). Puis il s'intéresse à un système de canalisation qui permettra de comprendre la gestion de l'eau des siècles passés.

"Et ce général chinois qui avait créé son petit empire, celui qui venait de Canton, vous savez, il était là ?", demande-t-il soudain, l'air grave. "Il était à Co Loa, à quelques kilomètres d'ici, dans la banlieue de Hanoï", tranche Philippe Papin. A Hanoï, les milieux scientifiques respirent. La découverte a longuement été cachée au public et a failli disparaître. L'histoire en a décidé autrement. Hanoï fêtera son millénaire en 2010 et rayer du patrimoine national une telle trouvaille est désormais exclu.

A cet égard, la visite d'un chef d'Etat ne peut que rassurer. "Pour la pérennisation du site, votre présence fait beaucoup de bien", chuchote l'historien au président auprès duquel se presse, silencieusement, le ministre vietnamien de la Culture Pham Quang Nghi. L'EFEO veut travailler à la fois sur les fouilles, les études historiques et la conservation et mise en valeur du site. Le travail sera long: le site s'étend en fait de l'autre côté de la rue sur un périmètre au moins aussi grand, et qui abrite l'axe Nord-Sud des palais impériaux.

Agence France Presse - 7 Octobre 2004


Jacques Chirac s'attarde sur l'histoire d'Hanoï, "le dragon qui s'envole"

HANOI - François Mitterrand, en 1993, avait choisi une promenade dans le dédale des trente-six rues commerçantes du vieux Hanoï. Jacques Chirac, lui, a fait le tour, jeudi 7 octobre, d'un site exceptionnel, découvert voilà un an : le chantier des fouilles de l'ancienne cité impériale, à deux pas de la place Ba-Dinh, en plein cœur de la capitale vietnamienne. Ni néophyte ni expert, mais passionné, le chef de l'Etat y a trouvé son plaisir au point d'y rester le double du temps prévu. L'endroit est exceptionnel car, ainsi que l'a expliqué Philippe Papin de l'Ecole pratique des hautes études, "treize siècles d'histoire sont compressés dans une couche de terrain d'une épaisseur de cinq mètres".

Cette "extrême concentration de vestiges" remonte à une citadelle chinoise du IXe siècle, un siècle avant que le Vietnam se débarrasse de la tutelle de l'empire du Milieu. Sur deux hectares, le "cœur politique du pouvoir" au Vietnam est mis à nu par des archéologues et des historiens, vietnamiens et français.

Cette découverte est le fruit du hasard. En septembre 2003, la construction des nouveaux locaux d'une Assemblée nationale est amorcée. Les travaux sont interrompus dès les premières excavations d'objets. Le chantier est confié à l'Académie des sciences sociales qui associe aux fouilles l'Ecole française d'Extrême-Orient. On découvre des pièces rares : dragons, unicornes, lionceaux, oiseaux mythiques, des bronzes, des porcelaines, des céramiques.

C'est en 1010, soit un demi-siècle après le départ des Chinois, qu'un empereur vietnamien décide de déplacer la capitale du Vietnam de Hoa-lu, dans un cadre naturel d'une grande beauté, à Hanoï, sur le fleuve Rouge où se trouvait l'ancienne citadelle chinoise dont les bouches des puits viennent d'être mises au jour. Les fouilles ont également permis de retrouver des céramiques des premières dynasties vietnamiennes, du XIe au XIVe siècle.

Sur un tapis rouge déroulé à son intention au milieu du chantier, Jacques Chirac ne s'ennuie pas. Il refuse, en s'amusant, qu'on le presse d'avancer. Il interroge sur les strates qui racontent l'histoire de Thang Long – "le dragon qui s'envole" –, l'ancien nom de Hanoï. Sous une vaste tente où est présenté un échantillonnage des pièces déjà retrouvées, il est visiblement ravi et inscrit, sur le livre d'or du site, sa "reconnaissance pour l'admirable travail historique qui est fait ici". Le président, qui connaît assez bien Hanoï, pour y avoir séjourné à plusieurs reprises, s'est enfin promené dans l'Asie qu'il aime. Cela se voit.

Par Jean Claude Pomonti - Le Monde - 8 Octobre 2004