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Pendant deux mois, le Vietnam va célébrer les 50 ans de Dien Bien Phu

HANOI - Le Vietnam s'apprête à célébrer pendant deux mois le cinquantenaire de la bataille de Dien Bien Phu, victoire historique des forces vietnamiennes sur l'armée coloniale française et tournant de l'indépendance du pays.

Les combats avaient démarré le 13 mars 1954, opposant au total près de 15.000 militaires Français (dont beaucoup originaires de l'empire colonial) et 50.000 résistants vietminh dirigés par le général Vo Nguyen Giap. Ils s'étaient achevés le 7 mai par la reddition du colonel Christian de la Croix de Castries, chef de la garnison de Dien Bien Phu. La bataille avait fait 3.000 morts ou disparus côté français, entre 8.000 et 10.000 côté vietnamien. Deux mois plus tard, le 21 juillet 1954, les accords de Genève scellaient la défaite française et la partition du pays, prélude à l'engagement américain dans la guerre du Vietnam.

Signe que les objectifs économiques du régime de Hanoï prennent le pas sur sa légitimité militaire, l'anniversaire du début de la bataille, samedi, sera l'occasion du lancement d'une "année du tourisme". Les cérémonies les plus importantes ne seront organisées qu'en mai. Les deux mois à venir permettront aux dirigeants vietnamiens de rappeler l'importance du sacrifice, de la mobilisation des masses et de l'unité du Parti communiste au pouvoir. "Leur interprétation de la victoire de Dien Bien Phu leur permet de faire appel au nationalisme comme un des fondements de la légitimité du régime", estime Carl Thayer, spécialiste du Vietnam à l'Australian Defense Force Academy. "Ils pensent que la jeunesse d'aujourd'hui doit se souvenir du noble sacrifice de ses grands-parents".

Hanoï veillera pourtant à ne pas vexer la France, avec laquelle les relations sont bonnes et concentrées sur le développement économique et la coopération. Fin février, le ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, Pierre-André Wiltzer, a souligné la nécessité de "regarder ensemble ces moments souvent douloureux avec lucidité, objectivité et compassion pour les victimes". "Les célébrations commémorent une victoire contre le colonialisme mais ne représentent pas l'expression d'un sentiment anti-français. Les Vietnamiens ressentent simplement un besoin idéologique de célébrer cette bataille", relève un diplomate français.

En mars 2003, le secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants, Hamlaoui Mekachera, s'était rendu au Vietnam pour proposer une démarche de "mémoire partagée" et évoquer la possibilité de "construire un hommage ensemble, qui serait un témoin à transmettre aux nouvelles générations". Dans ce cadre, deux colloques sont consacrés à la période: l'un a eu lieu à Paris en novembre dernier, un autre est prévu à Hanoï en avril prochain. Et le mémorial dédié aux soldats français morts à Dien Bien Phu --une initiative privée d'un légionnaire aujourd'hui décédé-- a été officialisé. Mais les autorités vietnamiennes n'auront pas été au-delà, rejetant notamment pour l'heure l'érection d'une stèle sur la RC-4, où les combats avaient causé de lourdes pertes côté français.

"Dien Bien Phu, avec la chute de Saïgon en 1975, constitue l'une des grandes sources de légitimité du Parti communiste vietnamien. Le Vietnam avait besoin de célébrer la bataille en famille, sans la France", note un observateur attentif. Selon plusieurs sources, des discussions seraient encore en cours sur la forme que prendrait une présence française aux cérémonies officielles vietnamiennes. L'anniversaire constituera probablement par ailleurs la dernière apparition publique du général Giap, 92 ans, véritable icône populaire, depuis longtemps exclu des affaires politiques.

Lors d'un séminaire sur le sujet, le militaire rappelait récemment la fierté de son pays: "La victoire de Dien Bien Phu a secoué la planète, résonnant jusque dans les zones isolées où les peuples vivaient en esclavage, en les réveillant et en leur apportant la force pour se lever".

Agence France Presse - 13 Mars 2004.


La bataille de Diên Biên Phu revisitée 50 ans après par un vétéran français

PARIS - La bataille de Diên Biên Phu qui sera commémorée le 7 mai prochain au Vietnam continue de susciter de vives émotions chez les historiens et vétérans français un demi-siècle après la campagne historique qui a mis fin à la domination française de plus de 80 ans. Pour l'ancien lieutenant français André Roch, qui était effecté à l'époque à un groupe chargé d'analyser les informations provenant du front, l'état-major de l'armée française a commis une bévue stratégique en se retranchant à Diên Biên Phu et en évaluant faussement les capacités opérationnelles du Viêt minh.

"L'état-major de l'armée française à l'époque a retenu Diên Biên Phu comme un défi. Cependant, les militaires comme nous ne voulaient pas croire ni pensaient que nous pourrions remporter la victoire dans cette cuvette", a-t-il évoqué lors d'un entretien avec le correspondant de l'AVI à Paris. "Jusqu'ici, plusieurs colloques ont été organisés sur la bataille de Diên Biên Phu. Les participants se sont accordés à constater que l'état-major de l'armée française avait commis la plus grosse erreur stratégique en décidant de livrer à Diên Biên Phu la bataille décisive", a-t-il ajouté.

Né dans une famille dont tous les membres adhéraient au Parti communiste français, André Roch militait contre la guerre de l'armée française au Vietnam. Ses devoirs d'un militaire mobilisé l'avaient cependant obligé à venir au Vietnam en 1952 où il restait environ 27 mois. "Pour moi ainsi que d'autres officiers français au Vietnam à l'époque, nous avions l'impression que Diên Biên Phu marquerait la fin de la guerre", a rappelé d'une voix émue l'ancien vétéran de guerre âgé de 82 ans.

Et ils avaient raison. Durant 55 jours et nuits de lutte acharnée, du 13 mars 1954 au 7 mai 1954, les Vietnamiens anéantirent et capturèrent plus de 16.000 Français, dont un général et 1.749 officiers. Environ 62 avions furent détruits, une trentaine de canons et 6 tanks. André Roch n'a pas caché son admiration à l'égard de l'hardiesse et de la tenacité de l'armée et du peuple vietnamiens lors de la campagne de Diên Biên Phu. "Leur courage de combattre et leur rage de vaincre ont rogné la détermination des soldats français".

Il a aussi tiré son chapeau à l'offensive téméraire et par surprise des Viêt minh qui avaient installé des pièces d'artillerie lourde dans les montagnes et mobilisé la population afin de ravitailler le front en vivres et munitions. "Les combattants vietnamiens se sont distingués par le courage et l'effet de surprise, de telle façon que les soldats français ne pouvaient pas ou aient du mal à savoir d'où venait l'attaque", a-t-il fait remarquer.

Revenu au Vietnam en 1998 avec ses amis, André Roch a revisité Hoa Binh et des provinces du delta du Fleuve Rouge où il avait mis le pied. "Votre pays aujourd'hui a changé rapidement. La vie de ses habitants s'améliore de jour en jour. De nouvelles routes sont construites partout, d'autres réparées." "Par le canal des mass-médias, je sais que le Vietnam a obtenu et obtient de nombreuses grandes réalisations, surtout dans le domaine de l'élimination de la faim et de la réduction de la pauvreté. Et ces réalisations sont reconnues par la communauté internationale", a affirmé André Roch. "Les générations de Vietnamiens d'aujourd'hui savent mettre en valeur les traditions du pays, ce que nous ne pouvons pas nier, afin de s'engager dans un avenir plus radieux", a-t-il constaté.

Pendant plusieurs années après sa démobilisation en 1962, André Roch travaillait dans le bâtiment et l'urbanisme pour la ville de Montreuil, en banlieue de Paris. Quoi qu'en retraite, il se porte volontaire pour apprendre des écoliers de sa ville à jouer du golf. "Pour commémorer le cinquantenaire de la bataille de Diên Biên Phu et de la signature des Accords de Genève, la ville de Montreuil a choisi l'année 2004 comme Année du Vietnam", a fait savoir l'ancien vétéran de guerre.

"Nous, les habitants de Montreuil, nous efforçons d'organiser plusieurs activités comme colloques, expositions de livres, festivals des films. Une façon de notre part pour commémorer cet événement important et pour resserrer les relations d'amitié franco-vietnamienne", a-t-il conclu.

Agence Vietnamienne d'information - 13 Mars 2004.