Complexe bras de fer entre le Vietnam et sa dissidence bouddhiste
Le bras de fer continue entre l'Eglise bouddhiste
unifiée du Vietnam (EBUV) et le gouvernement
de Hanoi, qui a placé sous étroite surveillance
une réunion au sommet de l'organisation
dissidente, tout en essayant de convaincre son
numéro un d'intégrer la hiérarchie officielle.
Interdite depuis sa création en 1981, pour avoir
refusé de se soumettre à l'autorité du Parti
communiste vietnamien (PCV) -comme doivent le
faire toutes les organisations religieuses-, l'EBUV
est aujourd'hui confrontée à un mélange de
pressions et d'offensives de charme dont l'issue
est difficilement prévisible.
Vendredi, le patriarche Thich Huyen Quang, en
résidence surveillée sans procès depuis 1982, et
son second Thich Quang Do, récemment libéré,
tenaient dans une pagode de la province de
Binh Dinh (centre) une réunion destinée à
évoquer l'avenir de leur église et à rafraîchir sa
hiérarchie. Seuls dix moines étaient présents.
"Nous sommes cernés par la police mais elle
n'est pas encore intervenue", a indiqué à l'AFP
par téléphone vendredi un membre de l'Eglise.
"Certaines personnes ont eu du mal à venir. La
réunion devait se finir vendredi mais elle durera
plus longtemps que prévu".
Selon le Bureau international d'information
bouddhiste (IBIB), porte-parole de l'EBUV basé à
Paris, la police a "systématiquement interrogé et
intimidé les moines de l'EBUV ces dix derniers
jours, après avoir appris que ses deux chefs
avaient convoqué un rassemblement".
Des dizaines de moines "ont été soumis a des
'sessions de travail' (interrogations) de la police
et à des menaces de représailles s'ils se
rendaient à la réunion ou acceptaient une
fonction au sein de l'EBUV", a ajouté le Bureau.
Mais l'intimidation ne touche pas les deux
leaders charismatiques: Quang, 86 ans, et Do,
75 ans, ont passé la majorité de leurs vingt
dernières années en prison ou en résidence
surveillée, et ne montrent nul volonté de
renoncement.
Le 12 septembre, toujours selon l'IBIB, neuf
responsables politiques et religieux ont rendu
visite à Do dans sa pagode de Ho Chi Minh-Ville
(ex-Saïgon) pour le dissuader de se rendre à la
réunion.
Après avoir enjoint ses interlocuteurs de lui
fournir un document officiel, le moine est monté
dans une voiture et s'est rendu à Binh Dinh. La
police l'a suivi sans intervenir.
En revanche, l'attitude du pouvoir vis-à-vis de
Quang est plus concilliante.
En avril dernier, le Premier ministre Phan Van
Khai l'avait reçu devant les caméras de
télévision, geste sans précédent depuis vingt
ans.
Ces deux derniers mois, affirme l'IBIB, trois
hauts-responsables dont le vice-ministre de la
Sécurité, Nguyen Van Huong, lui ont rendu visite
dans sa pagode de Quang Nam (centre) pour lui
proposer un poste au sommet de la hiérarchie
de l'Eglise bouddhiste du Vietnam (EBV,
officielle).
Offre rejetée, bien sûr. Mais "le fait que les
autorités le proposent à Quang montre qu'elles
reconnaissent son rôle", estime un diplomate
étranger. "Elles savent qu'elles devront régler
les cas de Quang et Do. Elles en ont déjà trop
fait pour s'arrêter en chemin", a-t-il ajouté.
Il est pourtant bien difficile de décoder les
réelles intentions du pouvoir.
La semaine dernière, l'IBIB a indiqué que Thich
Tri Luc, moine de l'EBUV kidnappé au Cambodge
l'an dernier alors qu'il avait le statut de réfugié,
serait bientôt jugé au Vietnam pour "défection à
l'étranger et opposition à l'administration du
peuple".
Hanoi n'a fait aucun commentaire.
Par Didier Lauras - Agence France Presse - 19 Septembre 2003.
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