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Les anciens combattants vietnamiens entrevoient une guerre longue en Irak

Plusieurs anciens combattants vietnamiens, forts de leur victoire sur les Etats-Unis il y a 28 ans, promettent de sérieuses difficultés aux Américains en Irak et pronostiquent une guerre longue, dominée par une interminable guérilla urbaine et marquée par de lourdes pertes. Sortant de leur silence pour s'exprimer sur un conflit fermement condamné par Hanoi, plusieurs hauts responsables de l'armée vietnamienne affirment que l'armement ultra-moderne de la coalition américano-britannique éprouvera toutes les peines du monde sur un terrain mal connu, et face à un ennemi très déterminé, capable de créer des foyers de combat multiples.

"Les Etats-Unis n'ont pas suffisamment mobilisé de troupes", a déclaré au journal Gia dinh va Xa hoi (Famille et Société) le général d'armée Le Ngoc Hien, ancien chef-adjoint de l'état-major général du Vietnam. La stratégie initiale de contournement des grandes villes pour prendre Bagdad est jugée hasardeuse. "L'armée irakienne conserve une guérilla dans des zones déclarées occupées, comme à Bassorah, ce qui pose de nombreuses difficultés aux troupes alliées", insiste celui qui a notamment dirigé les troupes vietnamiennes au Cambodge avant leur départ en 1989.

Et d'ajouter, au diapason de quelques hauts responsables de la défense américaine, qui estiment que la guerre pourrait durer plusieurs mois: "Même si (les troupes alliées) prennent le contrôle de Bagdad, elles devront affronter la guérilla. Elles ne peuvent pas achever rapidement cette guerre". La victoire en 1975 des forces du Nord-Vietnam, pourtant très inférieures sur le papier à l'armée américaine, s'était précisément fondée sur une intense guérilla dans les zones montagneuses et les épaisses forêts du pays.

Près de 60.000 soldats américains avaient été tués pendant le conflit, contre plus de trois millions de Vietnamiens, dont un tiers de soldats. Le général Hien considère que l'armée irakienne pourra démontrer d'importantes capacités de résistance: "pendant la guerre du Vietnam, nous avions abattu plusieurs bombardiers B-52. Cela dépendra de la qualité technique et des méthodes de combat" des Irakiens. Le général d'armée Nguyen Dinh Uoc, historien au ministère de la Défense, abonde en ce sens dans le journal Tuoi Tre (Jeunesse).

"L'Irak a mis en échec le plan de "72 heures" des Américains en mettant en place une guérilla dans les villes à laquelle les troupes alliées s'habituent difficilement". Tous voient dans la bataille de la capitale un combat potentiellement meurtrier. "Grâce à la parfaite connaissance des villes par les guérilleros, aidés par les forces miliciennes et le peuple, l'armée irakienne est capable de causer des pertes considérables à ses rivaux", ajoute Uoc. "La bataille à Bagdad sera acharnée et profitable aux Irakiens" assure de son côté le général d'armée Le Huu Duc, un des officiers chargés de la prise de Saïgon (devenue Ho Chi Minh-Ville) en 1975, évoquant le risque de multiples foyers de résistance.

Les relations entre Hanoi et Washington sont aujourd'hui dominées par des enjeux commerciaux. Mais si la diplomatie reste courtoise, les souvenirs sont vifs, voire vénéneux, chez certains anciens combattants. "Les milieux politiques américains se souviennent-ils des champs de bataille vietnamiens, des "moulins à chair", des "poêles de feu" et des "rizières devenues des tombes pour les agresseurs", s'interrogeait au premier jour de la guerre un éditorial du Cong An Nhan Dan (Police du Peuple).

Par Didier Lauras - Agence France Presse - 27 Mars 2003