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L'Institut du Coeur de Ho Chi Minh-Ville, un établissement unique au Vietnam


HO CHI MINH-VILLE - Minuscule dans le grand lit d'hôpital, la petite Tù, 17 mois, regarde passer les visiteurs. Sans l'opération pratiquée à l'Institut du Coeur de Ho Chi Minh-Ville, elle n'aurait survécu que quelques jours.
"L'intervention n'était pas particulièrement difficile et la pathologie dont elle souffrait - un défaut de la cloison séparant les ventricules - n'avait rien d'exceptionnelle, mais ses parents sont totalement indigents et ne pouvaient absolument rien payer. A l'Institut, une intervention à coeur ouvert coûte 1.650 dollars (environ 10.000 FF), quinze fois moins qu'en France", explique le Pr Alain Deloche.
Ce cardiologue de l'hôpital Broussais de Paris a participé, il y a un peu plus de cinq ans, à la naissance de l'Institut avec le Pr Alain Carpentier et le Dr Duong Quang Trung, un médecin qui avait exercé la chirurgie thoracique pendant 14 ans à Paris avant de devenir responsable de la santé à Ho Chi Minh-Ville.
Unique en son genre, l'Institut du Coeur est un établissement bâti sur le modèle des anciens hôpitaux coloniaux. Seule concession au progrès, l'aile où se déroulent les interventions a été climatisée en surpression, pour éviter l'entrée de l'air extérieur.
Séduit par le projet qui lui était présenté, le Pr Carpentier a mis d'emblée 500.000 francs sur la table, grâce aux retombées des brevets d'anneaux, valves et autres prothèses cardiaques qu'il a inventés.
Ces prothèses - que tous les laboratoires pharmaceutiques français ont refusé de fabriquer - ont, au contraire, enthousiasmé la société américaine Baxter.Depuis, il ne se passe pas un jour sans qu'elles soient utilisées, dans les centres de cardiologie du monde entier, rapportant à leur inventeur la manne qui lui a permis de créer la fondation qui porte son nom.
Pour la construction de l'Institut du Coeur, la Fondation Alain Carpentier a traité d'égal à égal avec la ville, obtenant une autonomie totale et un statut dérogatoire. Depuis, l'Institut subvient lui-même à ses besoins.
"Les malades riches payent pour les autres, explique le Pr Deloche en citant l'exemple récent d'un touriste australien grièvement blessé dans un acccident de la circulation. "Les soins de ce patient, facturés au tarif australien, ont permis d'opérer à coeur ouvert trois ou quatre petits Vietnamiens".
Payés entre 180 et 400 dollars par mois, contre 100 à 200 dans un hôpital ordinaire, les médecins vietnamiens de l'Institut ont pour la plupart été formés en France. Comme les infirmières qui les aident.
En tout, l'Institut a opéré plus de 5.300 enfants et procédé à environ 40. 000 consultations. A raison de cinq interventions par jour - dont quatre à coeur ouvert - plus de 1.500 enfants, autrement condamnés à brève échéance, seront sauvés cette année.
Pour aider les 47 % de patients indigents opérés à l'Institut, la Fondation Alain Carpentier a déboursé, depuis sa création, plus de deux millions de dollars, grâce aux brevets du chirurgien et à la consultation internationale.
Après quatre ans de direction bicéphale, l'Institut est maintenant dirigé par une équipe totalement vietnamienne. A côté du drapeau rouge à étoile jaune de la république du Vietnam, seul le drapeau français - que le Pr Alain Carpentier laisse obstinément flotter - témoigne encore de la présence des médecins français.

Philippe COSTE - AFP, le 3 Avril 1998.