Le prochain voyage de M. Clinton au Vietnam ouvre un nouveau chapitre entre les deux pays
Les dirigeants de Hanoï ont réagi favorablement à l'annonce de la visite du président
américain
Hanoï a réagi positivement, vendredi 15 septembre, à l'annonce, la veille, par
la Maison Blanche, de la visite du président américain au Vietnam à la
mi-novembre. Le porte-parole du ministère des affaires étrangères a salué la
contribution de Bill Clinton à la réconciliation des deux pays et souligné que
cette visite sera la première d'un chef de l'exécutif américain depuis la fin de
la guerre, il y a vingt-cinq ans.
BANGKOK -
Cette fois, c'est fait. Bill Clinton n'envisageait pas de quitter la Maison Blanche sans se
rendre au Vietnam pour y reléguer l'ancien « bourbier », source de tant de doutes, avec
ses cinquante-huit mille jeunes Américains morts, au rang des chapitres peu glorieux
de l'histoire de la première puissance mondiale. Pour ne pas gêner la campagne de son
vice-président, Al Gore, candidat démocrate à la Maison Blanche, il le fera au
lendemain de l'élection présidentielle, dans la foulée d'un sommet Asie-Pacifique, prévu
à Bruneï les 15 et 16 novembre.
Le Vietnam n'est jamais plus qu'un petit pays surpeuplé et encore pauvre, à la
diplomatie frileuse et à la direction communiste méfiante à l'égard du « Grand Satan »
américain. S'il s'est réconcilié avec son voisinage, en adhérant en 1995 à l'Association
des nations du Sud-Est asiatique, le Vietnam n'en reste pas moins un « petit dragon »,
au côté du « grand dragon » chinois, dont il ose parfois gratter la queue au risque de s'y
perdre. Son poids stratégique est donc limité.
Mais le thème du Vietnam, qui a si profondément divisé l'opinion occidentale dans les
années 70, est ancré, pour quelque temps encore, dans la mémoire américaine. Il
inspire des centaines de films, d'émissions télévisées ou de livres. Chaque année,
Washington dépense encore des millions de francs à la recherche des quelque mille
cinq cents soldats portés disparus pendant une guerre que les Etats-Unis ne
parviennent pas à oublier.
Légitimité
Même Bill Clinton a un compte à régler avec cette page récente de l'Histoire, en raison
de son hostilité à cette guerre, qu'il s'était arrangé, quand il était étudiant, pour éviter
- ce que les vétérans américains ne lui ont jamais vraiment pardonné. Officiellement, un
quart de siècle après l'humiliante défaite américaine, son voyage a pour objet de
consacrer la normalisation de relations bilatérales, que M. Clinton avait lui-même
amorcée, en 1994, avec la levée d'un embargo économique puis, l'année suivante, avec
la reconnaissance diplomatique du régime de Hanoï. Pour les communistes
vietnamiens, la boucle de leur légitimité internationale, si longtemps amputée, s'était
ainsi bouclée.
Mais, pour les Américains, il s'agit aussi d'une réconciliation avec eux-mêmes. Après
tout, les peuples sont amenés à trébucher et à laisser un jour, une fois les esprits
calmés, les historiens démêler l'écheveau du noir et du blanc. Voilà donc pourquoi,
depuis deux mois, l'ambassade américaine à Hanoï prépare l'arrivée d'une suite de
quelques centaines de personnes. Ce qui, au passage, risque de mettre également sur
les dents les services de sécurité locaux, dès l'invasion préalable de dizaines de
journalistes américains.
Bill Clinton voit grand et veut s'en aller en beauté. Tout en jaugeant la sensibilité de son
auditoire sur place, il songera sans doute davantage à sa propre jeunesse, à celle de
son pays et à ces tragédies de l'Histoire dont les blessures sont si longues à panser.
De Jean-Claude Pomonti - Le Monde - , le 15 Septembre 2000.
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