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Cholon s'essouffle avec la crise asiatique


HO CHI MINH-VILLE - Le grand marché de Cholon, poumon commercial de tout le sud du Vietnam, plaque tournante de la distribution vers les provinces vietnamiennes et l'étranger, termine l'une de ses plus mauvaises années à cause de la crise asiatique.

Dans l'attente de clients, Diep Khac Truong refait méthodiquement avec une cuiller en aluminium le dessus conique des tas de sucre de canne qui offrent toute la gamme des teintes du blanc au brun dans son échoppe du grand marché Binh Tay.

Truong est membre de la communauté d'origine chinoise des Hoa qui représente aujourd'hui 40% des négociants de Cholon et qui a bâti la prospérité de Cholon au fil des décennies avec sa fibre commerciale, ses relations familiales dans toute l'Asie et ses capitaux.

"Mes affaires ont diminué d'un tiers depuis le début de l'année", indique Truong. "Il y a une mévente générale", dit-il en montrant du doigt la boutique d'à côté qui vient de fermer.

Cholon, temple plus que centenaire du commerce saïgonnais à une demi-heure du centre de Ho Chi Minh-Ville, offre toujours le spectacle d'une abondance de produits allant des tissus, des ustensiles en plastique aux montagnes de crevettes sechées, noix de cajou et pousses de bambou et d'une profusion de couleurs, d'odeurs et de bruits.

Mais les stocks des grossistes comme des détaillants s'accumulent.

"Sur les neuf premiers mois de l'année, le commerce a baissé de 38%", admet Nguyen Van Thanh, vice-président du Comité populaire du district 5, l'un de ceux qui englobent la centaine de marchés spécialisés par produits de Cholon.

"On a perdu des marchés à l'exportation, à Hong Kong, Singapour, en Indonésie, en Thaïlande", ajoute le responsable, évoquant notamment les céréales, le café, les produits de la mer, les conserves alimentaires, la pharmacie.

Cholon a aussi souffert des conséquences du typhon dévastateur de la fin 1997 dans le sud, de l'ouverture par de nombreuses compagnies étatiques ou étrangères de filiales de distribution directement dans les provinces et du fait que "de plus en plus de consommateurs préfèrent aujourd'hui les supermarchés aux marchés", selon M. Thanh.

Affalé au milieu de ses sacs de poivre de l'île méridionale de Phu Quoc, Nguyen Van Hung, un autre "Chinois" de Cholon, parle de 1998 comme de "l'année la plus difficile de (ses) dix ans de négoce".

"Mon chiffre d'affaires a diminué de 20%, les compagnies d'exportation étatiques ont acheté beaucoup moins de poivre", dit-il.

Dans les étroites allées du marché, boueuses en ce début de saison des pluies, des vieilles motos de fabrication soviétique charrient en pétaradant des gros sacs de riz ou des dizaines de jerricanes en plastique. Mais sous le marché Binh Tay, de nombreuses boutiques ont tiré leur rideau métallique.

Au Comité populaire du district 5, on tente encore de minimiser la crise. "Les boutiques n'ont fermé que provisoirement, pour deux à trois mois", affirme Le Van Khoa, chargé des Affaires économiques, "les commerçants suspendent la vente des produits qui marchent mal".

Mais le temps des économies est fini pour Pham Thi My Hanh, une Vietnamienne de souche, vendeuse depuis une décennie à Cholon de conserves, lait en poudre et biscuits. "Cette année je gagne juste assez d'argent pour nourrir la famille", dit-elle, une calculette à la main. "L'an prochain va être encore plus difficile, je me demande si je ne vais pas fermer".

Hanh a à peine entendu parler de la crise asiatique qui dure depuis un an et demi, mais, comme les autres négociants de Cholon, elle se plaint de la pression fiscale qui entame un revenu qui a fondu, des taux d'intérêts élevés qui alourdissent l'endettement et redoute l'entrée en application en janvier de la TVA au Vietnam.

AFP, le 22 Novembre 1998.