~ Le Viêt Nam, aujourd'hui. ~
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Une vie de chien au Vietnam se termine souvent en cuisine

Malgré ses manières élégantes, ses mains constellées de griffures témoignent d'une profession qu'il n'aborde qu'avec pudeur: Loc est chasseur de chiens, fournisseur des boucheries spécialisées. Cet habitant de Ho Chi Minh-Ville (ex-Saigon), âgé de 37 ans, gagne environ 50 dollars par mois, soit l'équivalent du salaire d'un ouvrier, pour remplir les assiettes de ce met un peu spécial, aussi prisé en Asie que méprisé en Occident.

"Je ne vole que les chiens vietnamiens et je les vends aux bouchers. Les caniches ou les pékinois n'ont pas de goût", dit-il. "Je ne vole jamais les chiens +occidentaux+ mais j'ai des amis spécialisés là-dedans". Les races de luxe, les très petits ou les très gros chiens, qui ont le malheur de traîner sur le pavé lorsque passent les chasseurs, échappent à la marmite et sont soit revendus à leur propriétaire, soit cédés à de nouveaux maîtres.

Mais les autres, ces bâtards dont le pays abonde, ne se voient pas donner une seconde chance. Son Nam, un universitaire spécialisé dans la culture du sud du Vietnam, estime que le vol des chiens dans les rues est aussi vieux que leur présence dans les assiettes. "L'habitude de manger du chien vient du nord du pays et s'est développée pour répondre à la pauvreté. Dans le nord, les chiens représentaient la source de protéines la moins chère. Les gens n'avaient rien pour les nourrir donc ils leur laissaient faire les poubelles et les ramassaient ensuite", raconte-t-il.

Et aujourd'hui, les restaurants font encore largement appel à ces voleurs de rue. An, 60 ans, propriétaire du restaurant Hai Mo, précise que sa viande vient d'élevage. Sa carte propose une dizaine de plats: chien à la vapeur, hâché ou sêché, friture d'intestin, côtes grillées, jarret sauté. Mais surtout chien au curry, et la très honéreuse soupe de chien aux pousses de bambou.

La Corée du sud avait été sévèrement critiquée pour sa consommation de viande de chien, notamment par la Fédération internationale de football (FIFA), au moment de la coupe du monde 2002. Les restaurants spécialisés du pays avaient été fermés pendant la compétition.

Mais au Vietnam, où la législation ne protège guère les animaux, la question ne souffre aucun débat. Son Nam pense que la prospérité du sud du pays et son attachement au bouddhisme permettra que le chien ne devienne jamais aussi populaire que dans le nord. "Dans le sud, les chiens sont des amis de l'homme. On brûle même des bâtons d'encens lorsqu'ils meurent", souligne-t-il.

Mais si le professeur Tran Ngoc Them, de l'université des Sciences sociales de Ho Chi Minh-Ville, admet que le chien cuisiné est plus populaire dans le nord, il rejette l'argument culturel et l'explique surtout par le climat. "Le chien réchauffe le corps. Dans le nord du Vietnam, en Corée et en Chine, les gens mangent du chien pour lutter contre le froid", dit-il.

Les cris d'orfraie des Occidentaux l'agacent. "Ce qu'a fait la FIFA pendant la Coupe du monde était une erreur. Pour être franc, je pense qu'elle a manqué de respect aux peuples asiatiques", ajoute-t-il. Et si beaucoup pensent que les Vietnamiens mangent du chien par superstition, le stéréotype n'intéresse pas les amateurs. "Les Vietnamiens mangent du chien parce qu'ils aiment ça", conclut l'universitaire, qui rappelle que ces repas de chiens s'accompagnent généralement d'une abondance d'alcool.

Agence France Presse - 9 Juillet 2003.