Canal France International intensifie sa coopération en Asie du Sud-Est
VIENTIANE - La petite maison ressemble à une chapelle, avec sa
façade blanche, son toit pointu, sa porte en bois
rouge. Erigé depuis fin 1998 dans l'enceinte de la
Télévision nationale du Laos, dans la banlieue de
Vientiane, ce bâtiment abrite la dernière née des
chaînes laotiennes, TNL 5, dont le lancement a eu
lieu, vendredi 22 octobre. Elle s'ajoute aux deux
chaînes nationales déjà existantes, TNL 9 et
TNL 3, et aux télévisions régionales de Luang
Prabang et de Suvannakhet.
Sa particularité est de diffuser, de 17 heures à
minuit, des programmes français. Le premier jour,
les habitants de Vientiane ont ainsi pu découvrir
Nikita, de Luc Besson, - préféré à la dernière
minute au film Les Anges gardiens, dont les scènes
dénudées risquaient de choquer -, mais aussi des
reportages de « Thalassa » et de « Faut pas
rêver », un dessin animé, une émission
d'apprentissage du français, un journal télévisé
composé d'images de TF 1, France 2 et 3, etc.
Dans les trois pièces de TNL 5, dont la principale
abrite la régie, une poignée de techniciens locaux
s'affairent, sans stress excessif, sous l'autorité
souriante de Charlotte Deflassieux, la
représentante de Canal France International (CFI)
au Laos. Pour compléter leur paysage audiovisuel,
les autorités laotiennes ont en effet fait appel à
la France, qui a financé la totalité du projet,
depuis les fondations du bâtiment jusqu'aux
antennes. Un investissement de plus de 3 millions
de francs, auquel s'ajoute annuellement 1 million
de francs de frais de fonctionnement, répartis
entre le ministère des affaires étrangères et CFI.
La présence de Jean Stock, président commun de CFI
et de TV5, à l'inauguration de la nouvelle chaîne
laotienne, témoigne de l'intérêt porté par les
Français au développement de la coopération
télévisuelle dans la péninsule indochinoise,
prélude à d'autres développements en Asie.
Canal France International alimentait déjà les
chaînes laotiennes en images françaises depuis
1994 par le biais de son service professionnel,
comme il le fait avec 91 télévisions dans 69 pays.
Les chaînes 9 et 3 reprennent en moyenne vingt et
une heures de ces émissions chaque mois. Mais les
autorités laotiennes ont souhaité une
intensification de la coopération, sur le modèle
des journaux télévisés en français que CFI a
contribué à mettre en place au Vietnam et au
Cambodge depuis le début des années 90 ( Le Monde
du 7 novembre 1997). Le but est d'ajouter la
télévision aux efforts francophones de
l'hebdomadaire Le Rénovateur et de la radio
nationale, explique Douangmany Soliphanh, le
patron de TNL 5, qui anime simultanément l'une des
trois émissions de la radio laotienne consacrées à
la chanson française.
Dans ce pays à la francophonie tout juste
renaissante - la France y a consacré 5,5 millions
de francs en 1999, notamment par la création de
classes bilingues -, la fourniture de programmes
français clés en main n'est pas une fin en soi.
L'effort fait pour réunir les conditions
techniques et humaines au lancement de cette
nouvelle chaîne devra être prolongé par un travail
de formation en profondeur des personnels. La
tâche de Charlotte Deflassieux est d'accompagner
les Laotiens vers le professionnalisme en matière
de post-production et d'adaptation des images. Il
faudra aussi former des journalistes puisque
l'arrivée imminente d'une caméra numérique
permettra d'insérer dans la grille de TNL 5 des
reportages tournés sur place.
C'est le rôle que remplit aussi Hubert Colombeau
pour CFI au Cambodge. Mais c'est une aide dont se
passent désormais les Vietnamiens, après sept ans
de coopération étroite. Ces derniers ont conquis
suffisamment d'autonomie pour assurer eux-mêmes le
journal télévisé quotidien en français. Dans le
domaine des échanges de programmes, ils sont aussi
passés de l'assistanat total à un partenariat
commercial quasi normal avec CFI.
Vietnam Télévision avait bénéficié de la
fourniture gratuite des matches de la Coupe du
monde de football en 1998 ; cette année, elle a
acquis un match de championnat de France sur deux.
« De la gratuité à la semi-gratuité, puis au
tout-payant, notre objectif est de faire évoluer
progressivement les partenariats pour stimuler
l'achat de programmes français, résume Guy Muller,
directeur Asie de CFI. Pour le Laos, nous ne
sommes qu'au début du processus, rendez-vous dans
trois à cinq ans. »
L'évolution ne se limite pas aux pratiques
commerciales. Si les Laotiens ne sont pas prêts à
voir surgir sur leur petit écran les actrices
déshabillées des Anges gardiens, les responsables
de VTV viennent d'acquérir directement auprès du
producteur les droits de Saint-Tropez, une série
court vêtue que CFI n'avait pas en portefeuille.
Le Monde, le 27 Octobre 1999.