L'élite vietnamienne a sa discothèque exclusive
HANOI - Clinquant, bruyant et étincelant, le New Century, la discothèque la
plus branchée de Hanoi, attire tout ce que le Vietnam compte de pop stars, de top models et de
fils et filles à papa - ces papas étant souvent des responsables communistes.
Situé dans une capitale plutôt austère, le New Century détonne et séduit. Le décor n'a rien à
envier aux clubs en vue de Londres ou New York et les artistes de Ho Chi Minh Ville (ex
Saigon), la métropole bourdonnante du sud, viennent souvent y produire leur dernière création.
Légèrement vêtues, des danseuses se trémoussent sur un podium. Juchées sur les tabourets du
bar, des prostitués attendent les clients. Plus loin, des salons privés sont disponibles pour les
amateurs de karaoké.
Avec une entrée à 40.000 dongs (2,50 dollars) seulement, le club est accessible aux étudiants,
aux expatriés et à la classe moyenne de la capitale ravie de côtoyer l'élite.
Mais dans un pays où le PIB par tête tourne autour de 400 dollars par an, la différence entre le
style de vie affiché par les clients du New Century et celui des Vietnamiens ordinaires est
frappante.
Le coût d'une bouteille de whisky à l'intérieur -- de 65 à 180 dollars -- permettrait aux
chauffeurs de pousse-pousse qui attendent à la porte de vivre deux mois.
Mais, dans un pays de tradition confucéenne, les occasions sont rares d'étaler sa fortune, et les
clients du New Century ne s'en privent pas.
"Les vendredi et samedi soirs, c'est bondé. Beaucoup de clients sont très riches et dépensent
sans compter. Ils distribuent des pourboires rien que parce qu'on leur a allumé une cigarette ou
indiqué le chemin des toilettes", dit un serveur qui préfère ne pas dire son nom.
"Certains sont des enfants de membres du parti communiste ou de responsables
gouvernementaux, d'autres des hommes d'affaires", confie-t-il.
Sous le vernis clinquant du New Century pointe tout de même une question troublante :
comment des gens de 20-30 ans peuvent-ils se permettre de telles extravagances dans un des
pays les plus pauvres du monde ?
"Parfois, je me demande comment ils peuvent dépenser autant d'argent en une nuit. Et ce n'est
pas limité à une nuit, ça se répète plusieurs fois par semaine", constate Sonny, le DJ philippin du
club.
Mieux vaut ne pas trop chercher à savoir, pour s'éviter les foudres des services de sécurité très
présents, qui, selon les serveurs, comptent des policiers en civil, armés.
"Partez, vous n'avez pas la permission de parler à ces gens", a lancé un vigile à un journaliste qui
interrogeait sur son style de vie une tablée de jeunes clients sirotant du cognac.
A l'extérieur, les chauffeurs de pousse-pousse évoquent à mots-couverts la corruption au sein
du parti et du gouvernement.
Le Vietnam fait partie des pays les plus corrompus au monde, selon des études d'organisations
anti-corruption. Un scandale a récemment impliqué deux membres du comité central du parti
communiste accusés d'avoir entretenu des liens avec le parrain de la mafia d'Ho Chi Minh Ville,
Nam Cam. Des dizaines d'autres membres du parti et responsables de la police ont également
été arrêtés ou sanctionnés.
Les relations entre le New Century et de hauts responsables, même si elles ne sont pas illégales,
semblent établies. Un des investisseurs serait le fils d'un des hauts dirigeants du parti.
Mais demander des noms soulève immédiatement un mur de silence. Minh, le gérant, se
contente de dire que les investisseurs sont "des Vietnamiens".
Quoi qu'il en soit, les patrons ou leurs protecteurs exercent suffisamment d'influence pour que le
club puisse utiliser un terrain de la Bibliothèque nationale voisine comme parking pour les
Mercedes de sa clientèle.
Les propriétaires ne semblent pas non plus apprécier la concurrence. Un rival, le Hale Club, qui
avait ouvert en août dernier, a été obligé de fermer deux mois plus tard, suite à un harcèlement
policier constant. Il a rouvert en décembre, mais avec avec des ambitions beaucoup plus
modestes.
Agence France Presse - 20 Août 2002.
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