Hanoi refuse la nomination par le Pape d'un cardinal vietnamien
Les relations entre le Vietnam et le Vatican,
récemment plutôt apaisées, subissent un
contrecoup après la nomination comme cardinal
par Jean-Paul II de l'archevêque de Ho Chi
Minh-Ville (sud), une personnalité guère
appréciée par le régime communiste.
Mgr Jean-Baptiste Pham Minh Man a fait partie
des 31 cardinaux nommés par le souverain
pontife à Rome dimanche.
Mais "le gouvernement vietnamien n'accepte pas
cette nomination car elle a été décidée
unilatéralement par le Vatican", a indiqué à l'AFP
un responsable de la Commission
gouvernementale des affaires religieuses.
"Aux termes d'un mémorandum signé entre le
Vatican et le Vietnam, toute nomination de la
hiérarchie catholique (au Vietnam) doit avoir
l'accord du gouvernement vietnamien", a-t-il
ajouté, indiquant que les autorités "examinaient
cette affaire".
La situation est traditionnellement difficile dans
cet archidiocèse où vivent environ un
demi-million de catholiques.
En 1975, après la fin de la guerre du Vietnam et
la réunification du pays sous la bannière
communiste, le Vatican avait choisi comme
archevêque de l'ex-Saigon Mgr Nguyen Van
Thuan, neveu de l'ancien président
pro-américain du Sud-Vietnam.
Une nomination vécue à Hanoi comme une
provocation. Thuan avait été condamné à une
peine de 13 ans de "rééducation", qu'il avait
purgé jusqu'au bout avant de se réfugier au
Vatican en 1992.
En 1993, le pape avait tenté de trouver une
issue au problème en nommant Mgr Nicholas
Huynh Van Nghi administrateur apostolique de
l'archidiocèse. Mais Hanoi, craignant l'influence
personnelle du prélat, avait rejeté cette nouvelle
nomination.
Le Vatican avait ensuite proposé à plusieurs
reprises le nom de Mgr Pham Minh Man, accepté
seulement en 1998.
Mardi, la hiérarchie catholique restait prudente
sur la décision de Jean-Paul II.
"Nous n'avons pas été informés de cette
nomination. Mais ce n'est pas une surprise pour
nous", a indiqué Mgr Nguyen Van Yen, évèque
du diocèse de Phat Diem (nord), le plus
important du pays.
"Il s'agit d'une affaire entre le gouvernement et
le Vatican", a-t-il ajouté.
Mais la réaction de Hanoi est surprenante
compte-tenu de l'amélioration de ses relations
avec le Vatican.
Le Vietnam maintient certes un ferme contrôle
sur les catholiques, se réservant le droit de se
prononcer en dernier ressort en matière de
désignation des évêques, et imposant des
limites restrictives à l'ordination des prêtres
dans les séminaires du pays.
Mais un haut-représentant du Vatican se rend
tous les ans depuis 1990 au Vietnam. Et depuis
2000, le ministre des Affaires étrangères
vietnamien Nguyen Dy Nien, puis le vice-premier
ministre Vu Khoan, s'étaient rendus à Rome.
En 2001, le Pape avait remis un peu d'huile sur
le feu en élevant Mgr Nguyen Van Thuan,
véritable bête noire du régime, à la dignité de
Cardinal. Mais Hanoi n'avait que mollement
protesté.
Le sujet est loin d'être clos: le Vietnam et le
Vatican n'ont aujourd'hui toujours pas de
relations diplomatiques.
La communauté catholique compte entre sept et
huit millions de personnes au Vietnam, soit
moins de 10% de la population. Elle est
soumise, comme toutes les églises du pays, à la
tutelle du Parti communiste.
Un dissident catholique célèbre, le père Tadeus
Nguyen Van Ly, purge actuellement une peine
de dix ans de prison après avoir témoigné
contre le régime de Hanoi devant la Commission
des libertés religieuses aux Etats-Unis.
Par Didier Lauras - Agence France Presse - 30 Septembre 2003.
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