Les mineurs de Cam Pha, sinistrés de la crise du
charbon
CAM PHA - Des groupes de
mineurs désoeuvrés discutent dans les petits
restaurants installés sur les trottoirs noircis de poussière de charbon de
la rue principale de Cam Pha (nord-est): au chômage partiel, ils sont
devenus en quelques mois les sinistrés de la crise du charbon qui frappe le
Vietnam.
Comme de nombreux habitants de la province de Quang Ninh, principale zone
d'exploitation du charbon, ces mineurs ont perdu en trois mois la moitié de
leurs revenus après la décision de la société d'Etat Vietnam National Coal
Corp (Vinacoal) de suspendre l'extraction du charbon en raison de la chute
des prix et de la demande.
"Nous travaillons toujours à la mine de Deo Nai, qui emploie 2000
personnes, mais nous n'extrayons plus de charbon, nous sommes maintenant
affectés à l'entretien des machines. Nous ne travaillons plus que trois
jours par semaine au lieu de six auparavant", indique Hoang Cao Thang.
Ce mineur de cinquième catégorie, l'un des plus hauts échelons de la
hiérarchie, précise que son salaire mensuel est passé entre avril et juin
de 1,2 million de dongs (90 dollars) à 600.000 dongs (45 dollars).
"Il n'est pas surprenant que Cam Pha soit devenue une ville morte et que
les deux tiers des commerces aient fermé leurs portes, nous n'avons plus
d'argent", ajoute Thang.
Les 20 mines gérées dans la région par Vinacoal ont toutes subi le même
sort: la production y est arrêtée pour des périodes d'un mois, à tour de
rôle, et sur les centres de tri on n'aperçoit que quelques ouvriers
installés sur des stocks de charbon invendus.
Tout près, des centaines de wagons vides sont stationnés sur des voies
ferrées rouillées envahies par la mauvaise herbe.
Spectacle inhabituel au Vietnam, Cam Pha (147.000 habitants) et les
villages environnants adossés aux mines, à 100 km environ au nord de
Haiphong, ne connaissent plus l'agitation qui règne habituellement dans les
agglomérations du pays: les rues sont pratiquement vides et seule la
poussière de charbon, omniprésente et accumulée devant les commerces aux
rideaux baissés, rappelle l'activité récente de la région.
"Je conduisais un camion de la mine, maintenant, je suis affecté à son
entretien, mon salaire a été réduit de moitié et je peine à nourrir ma
famille", précise Vu Than Nguyen en terminant son repas de riz et poisson
dans un petit restaurant.
"La crise du charbon nous a fait perdre de nombreux clients, mais nous
espérons que les mines retrouveront leur activité", indique To Tinh, le
propriétaire du restaurant familial.
Pourtant, cette crise risque de se prolonger: Vinacoal chiffre à 14% la
baisse du prix du charbon depuis un an et prévoit de produire au maximum 8
millions de tonnes en 1999 contre 11 millions de tonnes en 1998, dont 3,16
millions de tonnes pour l'exportation.
Depuis le début de l'année, 4 millions de tonnes de charbon déjà extraites
dans la région n'ont pas trouvé preneur.
Conscientes du risque social engendré par le chômage partiel qui risque à
terme de toucher 80.000 mineurs, les autorités vietamiennes tentent de
rassurer la population.
Le vice-Premier ministre Ngo Xuan Loc s'est rendu lundi dans la province de
Quang Ninh où il a étudié les perspectives de créations d'emplois avec les
responsables locaux.
Il y a notamment appelé les mineurs à profiter de l'arrêt de la production
pour effectuer des travaux de réparation et de maintenance des véhicules et
équipements des mines et à participer à des stages de formation technique
et professionnelle.
"Je ne vois pas comment nous pourrions faire un autre travail, nous ne
connaissons que la mine et de toutes façons, il n'y a pas d'autre activité
dans la région", commente avec pessimisme Nguyen Than Tung, un mineur de
Deo Nai.
AFP, le 1er Juillet 1999.
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