La campagne contre l'«agent orange» des Américains
En janvier 2004, trois Vietnamiens ont déposé plainte devant un tribunal de New York. Ils réclament, sans avoir encore précisé les montants des indemnités exigées, que les compagnies américaines qui fabriquaient l'«agent orange» les dédommagent pour leurs vies brisées.
Derrière eux, quatre millions de Vietnamiens attendent ce jugement. Quatre millions de victimes du terrible «agent orange», du nom des fûts de couleur orange qui contenaient la dioxine déversée par les avions américains sur le Vietnam entre 1968 et 1971. Les quantités répandues ont été considérables : 85 millions de tonnes de poison défoliant. Trois générations après ces déversements, des enfants monstrueux continuent de naître. La télévision nationale aborde régulièrement le sujet, en montrant des images insoutenables.
Cette campagne prend une ampleur singulière au Vietnam, où une pétition sur l'Internet a déjà recueilli des centaines de milliers de signatures. Inspirée par un citoyen britannique, elle est désormais relayée par Tuoi Tre, le quotidien du parti communiste à Saïgon (350 000 exemplaires), qui lui consacre chaque jour une rubrique spéciale.
Pourquoi les Vietnamiens ont-ils attendu si longtemps pour réclamer des compensations financières que des soldats américains ayant manié les bidons d'«agent orange» avaient obtenu dès 1985 ? Bui Cam Ha, une jeune journaliste qui tient la rubrique dans Tuoi Tre, explique : «Il fallait d'abord que les relations diplomatiques entre Hanoï et Washington soient rétablies, ce qui fut fait en 1995. Les inspirateurs de cette campagne voulaient également que la communauté scientifique internationale puisse établir avec certitude le lien entre les séquelles des premières victimes et celles de leurs enfants et petits-enfants.» En 2000, lors de la visite de Bill Clinton au Vietnam, Nguyen Troy Nhân, l'ancien président de la Croix-Rouge nationale, avait remis une lettre au président américain, qui lançait l'affaire.
Le gouvernement de Hanoï, d'abord réticent face à une «campagne civile» de cette ampleur, la soutient maintenant «fermement», selon la journaliste de Tuoi Tre. L'«agent orange» est la cicatrice la plus insupportable du conflit entre les Etats-Unis et le Vietnam (1964-1975).
Par François Hauter - Le Figaro - 6 Octobre 2004
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