Les Vietnamiens piégés par leur production record de café
On vous le disait hier ici, les Vietnamiens ont
suspendu la signature de tout nouveau contrat
d’exportation de café. La mesure a pris effet
dimanche. Mais elle est très paradoxale.
D’abord, parce que depuis des années,
encouragés par la communauté internationale,
la France au premier rang, les Vietnamiens se
battent. Ils voulaient devenir incontournables
sur le marché du café. Depuis deux ans c’est fait. Cette année,
avec sept cent mille tonnes, ils sont même les premiers
producteurs de robusta au monde. Or, à l’instant même où ils
réalisent cet exploit, voilà qu’ils se disent se retirer du marché,
pour cause de prix mondiaux trop faibles.
Mais si les prix sont très faibles, c’est aussi un peu de la faute
des Vietnamiens qui en inondant le marché ont contribué à la
surproduction mondiale. C’est le second paradoxe de cette
affaire.
Il en est un troisième. Ce qu’on nous présente comme une
décision n’en n’est pas vraiment une. Car le gouvernement ne
s’engage pas. Seulement l’association du café et du Cacao du
Vietnam. Une organisation sans pouvoir coercitif, qui n’est pas en
mesure de bloquer les sorties de marchandise. Car même au
Vietnam, pays communiste, si les autorités voulaient réduire les
exportations, il faudrait qu’elles achètent leur production aux
paysans. Le pouvoir n’en n’a pas les moyens. Il l’a démontré en
annonçant une participation très modeste au plan de rétention
international lancé par les Brésiliens au mois de juin dernier. Le
plus vraisemblable, c’est que le café vietnamien continuera à
alimenter le marché mondial et à entretenir des prix très bas. Le
café comme toutes les matières premières fonctionne sur des
cycles. En 1994, la tonne de robusta valait deux mille cinq cent
dollars, quatre fois plus qu’aujourd’hui. Il faudra attendre quatre ou
cinq ans pour regagner le haut de la courbe, le temps que les
paysans vietnamiens se décident à arracher leurs arbustes, que
les stocks s’écoulent, que les marchés réagissent. A moins
d’une catastrophe climatique qui réduise la production au Brésil.
Mais sauf miracle, 2001 n’apportera pas grand chose de bon aux
producteurs de café. Aux Vietnamiens comme aux autres.
Par Jean Pierre Boris - Radio France Internationale, le 20 Décembre 2000.
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