Le Vietnam lutte contre la sécheresse pour sauver son café
BUON MA THUOT - Phi Tak se tient debout au fond d'un grand réservoir d'eau désespérément vide: les grosses fissures dans le sol témoignent de la sécheresse qui menace une grande partie de la précieuse récolte de café vietnamien cette année.
Dans la province centrale de Daklak, la pire sécheresse du siècle a apporté la désolation aux planteurs de café comme Phi Tak qui produisent environ 60% de la récolte du Vietnam. Les pompes et tuyaux qu'il a loués pour irriguer ses terres ne servent plus à rien maintenant, et même si quelques nuages ont fait leur apparition à l'horizon, la pluie va arriver trop tard. "Je pourrai peut-être sauver la moitié de ma récolte et ne pas boire le bouillon", dit Tak, qui s'est lourdement endetté pour acheter de l'engrais et des équipements d'irrigation.
Déjà quelque 7.000 hectares de café ont été détruits par la sécheresse qui frappe depuis janvier cette province des Hauts plateaux du centre et 40.000 autres hectares, sur un total de 160.000 cultivés, sont en danger. "Cette année nous avons une sécheresse historique", explique Tran Huu Loc,vice-directeur d'un institut de recherche à Buon Ma Thuot, capitale de la province, "la production totale de Daklak pourrait chuter de 30 à 40%". Si la saison des pluies ne commence pas d'ici à la mi-mai, les pertes de la récolte pourraient largement dépasser 200 millions de dollars, explique M.Loc.
Le Vietnam a exporté l'an dernier 350.000 tonnes de robusta, dont la plus grosse partie a été vendue en Europe et aux Etats-Unis.Le café est, après le riz, la deuxième source agricole de devises pour le pays et la chute de la production de café - récolté une seule fois par an, à l'automne - portera un coup sérieux aux réserves de change déjà maigres du pays.
A l'Ea Pok Coffee Farm, une entreprise étatique, la production devrait baisser de 50% cette année, explique le vice-directeur Tran Cu, selon lequel l'irrigation est devenue impossible, les 11 réservoirs de la compagnie étant asséchés depuis six semaines.
Le climat n'est pas le seul en cause, explique toutefois Melchior Landolt, coordinateur d'un projet financé par le gouvernement allemand dans le café.
L'industrie du café s'est développée trop vite et a souffert du manque d'expérience et de connaissances techniques, de l'insuffisance des investissements pour l'irrigation et d'un recours excessif aux engrais qui hypothèquent son développement à long terme.
"C'est comme si vous conduisiez votre voiture à grande vitesse tout le temps, vous finiriez par avoir des problèmes de moteur", explique-t-il.
Depuis que le Vietnam a lancé son ouverture économique à la fin des années 80 et a commencé à vendre son café sur les marché extérieurs, les terres cultivées sont passées de 15.000 hectares à 260.000 hectares dans tout le pays.
Des dizaines de milliers de paysans ont été attirés par le riche sol volcanique de la province de Daklak, qui donne l'un des rendements à l'hectare les plus élevés du monde.
Les forêts qui representaient 60% de la superficie de la province n'en couvrent plus que 35% aujourd'hui et la déforestation a entraîné une dramatique détérioration des nappes phréatiques.
Ceux qui souffriront le plus cette année sont les petits producteurs comme Tak. Aujourd'hui, Tak prie pour la pluie. Le café pour lui a représenté une aubaine: dans une bonne année il pouvait gagner 600 dollars avec ses terres de moins de un hectare, soit dix fois plus que lorsqu'il récoltait le riz dans sa province natale, sur la côte.