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Le Vietnam réécrit son histoire pour nier le rôle d'un dissident

HO CHI MINH VILLE - Les autorités communistes s'efforcent de faire disparaître des livres d'histoire le rôle du colonel Bui Tin qui a reçu il y a 25 ans en leur nom la reddition du régime du Sud-Vietnam et qui est aujourd'hui l'un des dissidents vietnamiens en exil les plus connus.

Pour ce faire, et alors qu'il célèbre dimanche le 25e anniversaire de la chute de Saïgon, le régime de Hanoï met désormais en valeur un autre colonel, en retraite, le colonel Bui Van Tung, présent lui aussi au palais présidentiel, aux côtés de celui qui a accepté la capitulation du général Duong Van Minh, dernier président du sud. Dans un entretien accordé à l'AFP, le colonel Bui Van Tung, homme de confiance du Parti communiste qui arbore toujours fièrement le marteau et la faucille sur son uniforme et qui porte presque le même nom que le dissident, assure que c'est bien devant lui que le général Minh a capitulé.

"En tant que commissaire politique pour la 203e brigade blindée qui s'est emparée du palais présidentiel, c'était moi qui étais chargé d'obtenir la reddition et d'écrire le communiqué destiné à être diffusé à la radio", a-t-il assuré. Le colonel Bui Tin n'était même pas au palais a ce moment-là, il est arrivé plusieurs heures plus tard, a-t-il ajouté. Or, les récits les plus couramment acceptés contredisent cette version en assurant que le colonel Bui Tin, à l'époque journaliste du quotidien de l'armée, a bel et bien été celui qui a officiellement accepté la reddition du sud, parce qu'il était l'officier le plus gradé sur place. Ridicule, selon le colonel Bui Van Tung, qui estime impossible qu'un journaliste puisse avoir été chargé d'une telle mission, d'autant qu'il avait le même grade que lui.

Le colonel Bui Tin, parti pour la France en 1990, a expliqué que la modestie l'avait empêché de publier une mise au point. Mais il a finalement rendu publique sa version des événements à la fin des années 1980 dans le très populaire journal de la jeunesse Tuoi Tre, à peu près au moment où ses critiques à l'égard du régime commençaient à embarrasser les autorités. Les attaques de Bui Tin contre la durée des peines dans des camps de rééducation infligés aux vaincus et contre les événements entourant l'exode de milliers de boat people vietnamiens dans les années 1970 et 1980 l'ont finalement contraint à l'exil en France.

"J'ai été déçu par le régime de Hanoï presque immédiatement", a-t-il confié dans une entretien accordé à l'AFP à Paris. "Ils étaient là, avec leurs grands airs, à parler de réconciliation nationale et de clémence, et envoyaient en même temps des responsables de l'armée et du gouvernement sud-vietnamiens dans des soi-disant camps de rééducation, en fait ils les condamnaient à des années de travail forcé et de lavage de cerveau", a-t-il ajouté.

A 70 ans, Bui Van Tung, qui, lui, n'a rien perdu de sa loyauté à l'égard du parti, s'oppose avec violence à ces remises en cause. Ardent défenseur des camps de rééducation, il ne se prive pas de régler ses comptes avec le colonel dissident. Ce que Bui Tin a "écrit à propos du Vietnam, ce ne sont que des mensonges", a-t-il déclaré. "Auparavant, il travaillait pour la révolution, mais il est devenu un réactionnaire qui a simplement voulu écrire des articles et gagner de l'argent", a-t-il ajouté.

AFP, le 29 Avril 2000.