Le benjamin américano-vietnamien présente "Les trois saisons"
BERLIN - Avec "Les trois saisons" (Three seasons), un beau
film impressionniste sur les destins parallèles de quelques Saigonnais, le
benjamin de la Berlinale, l'Américain Tony Bui, né au Vietnam en 1972, a
fait son entrée dans la compétition parrainé par Harvey Keitel, son acteur
et producteur exécutif.
Même s'il a le label américain, "Les trois saisons", couronné du grand prix
et du prix du public au festival américain de Sundance le mois dernier, est
le premier film vietnamien et en vietnamien montré à Berlin. Il sort aux
Etats-Unis le 30 avril.
Dans la galerie de portraits que brosse Tony Bui, il y a James, un ancien
GI américain (Keitel) qui recherche la fille qu'il a eue avec une
Vietnamienne, Hai (Dong Duong), le conducteur de rickshaw, qui s'éprend de
Lan (Zoe Bui), une jolie prostituée en quête d'un riche mari, Kien An, une
adolescente qui cueille des lotus blanc pour le compte d'un poète lépreux,
Woody, un enfant des rues qui survit en vendant du chewing gum et des
cigarettes.
Tony Bui, qui a quitté le Vietnam à 2 ans, et y est revenu pour la première
fois à 19 ans, filme avec tendresse et sensibilité ces personnages à la
recherche de l'amour et aux prises avec la dureté de la vie. Tout en
montrant les quartiers misérables de Saïgon où habite Lan et les palaces où
elle va se vendre, le jeune réalisateur peint aussi la beauté sereine du
lac recouvert de lotus blanc.
C'est là que Kien An, à bord d'une petite barque, cueille les boutons
parfumés, que concurrencent les lotus de plastique. Son chant attire
l'attention du poète, qui vit reclus dans un temple pour cacher sa maladie
et ses difformités. Il a perdu ses doigts et Kien An va tenir la plume pour
lui.
Ces histoires parallèles ne font pas un véritable scénario et "Les trois
saisons" pèchent parfois par trop de joliesse et d'optimisme, contrairement
à "Cyclo" de Tran Anh Hung, autre cinéaste de la diaspora vietnamienne,
couronné d'un Lion d'or à Venise. Mais cette première production américaine
réalisée au Vietnam est une promesse.
Se défendant d'avoir fait un film avec "un happy end", Tony Bui a déclaré,
lors de la conférence de presse qui a suivi la projection, que ses
personnages "gardent une lumière dans leur vie, ils cherchent à
l'améliorer. C'est donc un film d'espoir".
Harvey Keitel, très impliqué dans la promotion du film, estime que "Les
trois saisons" est un pont entre le passé, le présent et l'avenir qui
permettra aux Américains de mieux comprendre l'histoire du Vietnam."
L'acteur remarqué dans "La leçon de piano", "The bad lieutenant" d'Abel
Ferrara ou chez Quentin Tarantino, a déclaré qu'il se sentait la
"responsabilité d'aider les jeunes réalisateurs qui ont des histoires
personnelles à raconter."
Tony Bui, un "Viet Kieu" (un membre de la diaspora), est reparti au Vietnam
à 19 ans et il a appris la langue. Depuis, il y va deux ou trois fois par
an. "J'ai grandi à Silicon Valley, a-t-il raconté lundi à Berlin, et
j'aurais pu tout aussi bien devenir ingénieur comme mes amis. Mais mon père
possédait un magasin vidéo et à 16 ans, je regardais deux ou trois films
par jour".
Au Vietnam, malgré la bureaucratie et la présence d'un censeur chargé de
valider toutes les scènes, la principale difficulté pour lui est venue des
lotus. Faute de trouver un lac recouvert de fleurs, l'équipe a planté
10.000 lotus mais ils étaient rouges et il a fallu remplacer une à une les
fleurs par des boutons et des fleurs en plastique blancs.
AFP, le 16 février 1999.
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