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Le Danemark briseur de couples immigrés

Tien Dang devrait être heureux. Ce Vietnamien de 26 ans a un permis de résident permanent au Danemark. Il vit dans les environs de Roskilde (est), parle danois couramment, a un logement et un travail stable depuis quatre ans, ses parents et ses deux frères habitent à côté de chez lui. Mais son épouse vietnamienne, mère de ses deux enfants, est persona non grata au Danemark : malgré l'intégration réussie de Tien Dang, les services danois de l'immigration ont rejeté la demande de regroupement familial de sa femme, en prétextant que son attachement avec le Vietnam était plus fort que ses liens avec le Danemark.

La jeune femme, qui vivait au Danemark avec son mari depuis novembre 2002, a été renvoyée au Vietnam en mai. Là-bas, elle a mis au monde leur deuxième enfant, dont la demande de permis de résident permanent au Danemark est en cours. Mais leur vie commune s'annonce compromise, puisqu'à l'avenir, la jeune femme sera autorisée à rejoindre son mari et ses deux enfants (l'aîné de 4 ans a un permis de résident permanent) au Danemark pour une durée de trois mois maximum, comme une simple touriste.

Plainte. Tien Dang a donc décidé d'attaquer en justice le ministère des Réfugiés, de l'Immigration et de l'Intégration. Son avocat, Anders Christian Jensen, déplore ce triste concept de «mère touriste» et affirme qu'en empêchant une famille de se réunir, la législation danoise sur le regroupement familial enfreint la Convention européenne des droits de l'homme, qui garantit à chaque individu le droit à une vie de famille. Cette plainte, déposée au lendemain du rapatriement de la jeune femme, a resurgi cette semaine, peu après les vives critiques du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Alvaro Gil-Robles, à l'encontre de la politique ultrarestrictive du gouvernement danois en matière d'immigration. Selon lui, elle viole les conventions internationales sur le respect des droits de l'homme et constitue une barrière à l'intégration, dans un pays qui compte 5 % d'immigrés.

Les critiques d'Alvaro Gil-Robles portent en particulier sur les conditions posées par les autorités danoises pour le regroupement familial : il conteste l'âge minimum de 24 ans requis pour les deux personnes en cas de mariage ou de cohabitation ainsi que l'obligation, pour le conjoint étranger, de verser un dépôt de garantie de 53 096 couronnes danoises (7 143 euros) et d'avoir travaillé au minimum un an au Danemark, pour obtenir un permis de séjour. Des conditions qui, selon lui, «violent l'égalité devant la loi».

Pour le ministre en charge de l'Immigration, Bertel Haarder (libéral), les récriminations d'Alvaro Gil-Robles ne sont pas fondées. La «règle des 24 ans» aurait été créée dans la seule intention de protéger les jeunes immigrés contre les mariages forcés. Quant à la caution financière et l'obligation d'un emploi stable pour le conjoint étranger, «cela accélère le processus d'intégration lorsque des ressortissants de pays en développement sont actifs sur le marché du travail au lieu d'être dépendants de l'aide sociale», a indiqué Bertel Haarder au quotidien Politiken.

Nouvelles mesures. Dans le collimateur des défenseurs des droits de l'homme, Bertel Haarder persiste à déclarer que la législation danoise est conforme aux conventions internationales. Depuis son élection en novembre 2001, le gouvernement d'Anders Fogh Rasmussen, soutenu au Parlement par le Parti du peuple danois (PPD, extrême droite), n'a cessé de mettre en oeuvre des mesures restrictives, afin de freiner l'arrivée des immigrés et des réfugiés politiques au Danemark.

Les autorités danoises n'ont pas l'intention d'assouplir leur politique sur l'immigration. Au contraire : le Parti libéral examine actuellement, avec la bénédiction du PPD, la possibilité de durcir encore les réglementations sur le regroupement familial, en s'inspirant d'une initiative menée aux Pays-Bas. Un test de connaissance de la langue et de la culture danoises serait imposé aux étrangers qui souhaitent rejoindre leur famille au Danemark. Quelque chose de pourri au royaume ?

Par Laurène Champalle - Libération - 23 Juillet 2004.