La petite bourse de Saigon ou les difficultés du capitalisme au Vietnam
HO CHI MINH VILLE - Les débuts timides de la bourse
d'Ho Chi Minh Ville, l'ancienne Saigon, illustrent les difficultés du Vietnam à s'adapter
aux lois du capitalisme.
Avec quatre sociétés côtées, la bourse de Saigon est encore loin d'être débordée. Elle
n'ouvre que trois jours par semaine et pendant deux heures seulement le matin.
Les cotations se font dans la discrétion, loin du public qui n'est pas autorisé, presse comprise, à assister aux
transactions qui se déroulent au rez-de-chaussée d'un vieux bâtiment.
Les petits porteurs vietnamiens sont encore rares, et pourtant, les affaires y sont bonnes, voire excellentes.
Le titre vedette, la société Hapaco (Haiphong paper company) a plus que doublé depuis son introduction en
bourse le 4 août dernier. D'ailleurs, c'est bien simple, le titre n'a jamais connu la moindre baisse, tout comme celui
de la Transimex (transport) qui a connu une ascension inéxorable, jamais démentie depuis début août.
Les deux autres sociétés la Refrigeration Electrical Engineering Corportation (REE), qui fabrique des
réfrigérateurs, et la Samcon (câbles) ont été introduites le 27 juillet, jour d'inauguration de la bourse de Saigon.
Elles ont bien connu quelques fléchissements depuis, mais rien de sérieux.
Le titre Ree a terminé la séance de vendredi à 24.000 dongs (moins de deux dollars) contre 17.000 en juillet
dernier.
Le titre a baissé, mais uniquement quelques jours après son introduction en raison de prises de bénéfice, explique
Vo Huu Tuan, un des conseillers de la firme de courtage Bao Viet Securities, qui avec cinq autres sociétés se
partage le marché des transactions boursières.
"La baisse a eu lieu parce qu'un premier acheteur a vendu, puis deux, puis cinq, ce qui a largement suffi pour faire
baisser le titre", explique-t-il.
Mais rien de bien grave, puisque au-delà de 2% de baisse, ou de hausse, les transactions sont interrompues.
De toutes façons, assure-t-il, "le gouvernement ne permettra pas au marché de chuter". La bourse de Saigon est
encore une vitrine et les affaires se doivent d'y être favorables pour attirer d'autres sociétés.
Pourtant celles-ci sont encore très réticentes, et après les quatre sélectionnées au départ par le gouvernement,
aucune autre n'a depuis été côtée.
Première raison, selon Vo Huu Tuan, une introduction en bourse rend indispensable la publication des comptes,
une transparence qui est parfois difficile à atteindre pour nombre de sociétés vietnamiennes.
Autre raison qui en découle, l'habitude bien ancrée de faire les choses en famille ou à l'écart des institutions.
Dang Le Nguyen Vu a créé il y a six ans sa société de courtage de café, avec des amis et loin des banques. Il
emploie aujourd'hui plus de 4.000 personnes et assure n'avoir jamais eu recours à un seul emprunt bancaire.
"Les banques vietnamiennes sont bonnes, mais trop souvent très mal dirigées", affirme-t-il. Il souhaite aujourd'hui
développer sa société, mais uniquement sur ses fonds propres.
La bourse l'intéresse, mais à long terme lorsque, paradoxalement, sa société sera déjà bien développée.
Le capitalisme et les lois du marché sont encore d'histoire récente au Vietnam et la bourse inspire encore
beaucoup de méfiance. Ses principaux clients sont des hommes d'affaire et peu de particuliers se risquent encore
à investir.
Le gouvernement vietnamien a d'ailleurs demandé à un expert de la banque asiatique de développement de
trouver les raisons de ce manque d'engouement et de lui proposer des solutions.
Agence France Presse, le 18 Novembre 2000.
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