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Les Vietnamiens se tournent aussi vers Bouddha pour le confort matériel


HANOI - Après une décennie de réformes économiques, des flots croissants de Vietnamiens affluent dans les pagodes et se tournent vers Bouddha dans l'espoir d'un mieux-être souvent beaucoup plus matériel que spirituel.
La très forte affluence dans les milliers de pagodes du pays est particulièrement sensible en ce début de nouvelle année lunaire, lors de ces quelques semaines suivant la fête du Têt pendant lesquelles se déroulent une multitude de pèlerinages.
Le premier et le 15e jour du mois, les pagodes et les temples se couvrent de fleurs, de fruits, d'encens et de papiers votifs destinés à rendre un culte aux génies et aux âmes des morts.
A la seule Pagode des parfums, à 60 km au sud de Hanoï, quelque 300.000 billets d'entrée ont été vendus depuis cinq semaines pour le plus célèbre pélerinage bouddhique du Vietnam.
"Depuis un mois, je suis allée prier dans une dizaine de pagodes et de temples autour de Hanoï pour la santé, la chance et la prospérité des membres de ma famille", raconte l'étudiante Vu Thi Hanh. "Et aussi pour être heureuse en amour", ajoute-t-elle avec timidité.
Mais, de plus en plus, c'est un bonheur matériel que demandent dans leurs prières les millions de Vietnamiens qui fréquentent les pagodes.
"Je viens ici pour avoir plus de chance dans mes affaires", explique Nguyen Chau Tuan, vendeur de vêtements rencontré dans une pagode de Hanoï, "c'est devenu beaucoup plus difficile ces derniers temps avec tous ces impôts et l'économie de marché".
Dans une autre pagode non loin, Nguyên Thi Luong, retraitée, explique : "Tout ce que je viens demander, c'est un emploi pour mes trois enfants. Ils sont tous diplômés d'université, mais chômeurs".
La croissance de la fréquentation des pagodes ou des temples dans ce pays qui compte au moins 50 millions de bouddhistes, a fait prospérer une industrie spécialisée dans la fabrication d'objets votifs, le plus souvent en papier, que l'on dépose sur les autels avec des offrandes avant qu'ils ne soient brûlés.
Ces papiers, souvent vendus très chers, illustrent les préoccupations d'aujourd'hui. Ils reproduisent des dollars, des motos, des postes de télévision, des automobiles de luxe et aussi ... des téléphones mobiles et des ordinateurs.
Il y a une dizaine d'années, les papiers votifs - qui assurent en principe au mort une "vie normale" dans l'au-delà et lui attire les bonnes grâces des génies et du Bouddha - représentaient plutôt des bouquets de fleurs, des portraits d'homme ou de femmes.
Plusieurs milliers de tonnes de papier sont brûlées chaque année, a indiqué un journal saïgonnais qui estime le coût pour le pays de cette pratique à des centaines de millions de dollars par an.
De plus en plus de transactions commerciales, tout comme les mariages, se concluent aussi après une visite dans les pagodes, des prières et des offrandes aux génies.
Si le culte n'était surtout pratiqué que par les commerçants privés aisés durant les années de guerre, il se développe aujourd'hui largement parmi les jeunes, les intellectuels, les cadres et même les membres du Parti communiste.
"Ceci est permis par la tolérance des autorités vis-à-vis des croyances populaires et le fait que les Vietnamiens ont aujourd'hui plus de moyens financiers à consacrer à ces pratiques religieuses", explique une sociologue.
"Mais cela vient aussi d'un certain désespoir d'une partie de la population qui s'est paupérisée tandis que l'écart de revenus entre riches et pauvres, entre citadins et paysans ne cesse de se creuser", ajoute-t-elle. "Alors les gens se tournent vers le Bouddha"

Lê Thang LONG - AFP, le 13 mars 1998.